Cliquez ici >>> đŸ» chanson pan pan pan je lui mettre une cartouche

Ainsi c'est le titre "La cartouche" qui a Ă©tĂ© choisi comme successeur au tube festif. Dans la mĂȘme veine, il regorge de phrases pour le moins imagĂ©es. « Je ne suis pas chasseur mais je lui mettrais bien une cartouche » ou encore « Pan, pan, pan, je lui mettrais bien une cartouche » viennent ponctuer son prochain single. Il a acceptĂ© Jeme demande si le carnet, le logiciel et l’ordinateur possĂšdent, eux aussi, une volontĂ© propre ou des aspirations littĂ©raires. Je m’interroge sur ma part de responsabilitĂ© dans tout ceci. Je ne sais plus si andreĂŻ molodkin est un gĂ©nie ou un charlatan. Je me demande ce que serait ma vie si je volais un bic appartenant Ă  donald trump. Jetire Ă  Marche CTF & DVSAF, donc jusqu'Ă  600m Max avec du 7x64.-L'arme : carabine Sauer 200 avec canon match Lothar inox long de 58cm + frein de bouche de fabrication artisanale et trĂšs efficace (je sais, un peu court mais nĂ©cessitĂ© de coffre oblige)-La munition : Douille RWS (lot uniformisĂ©), amorce CCI200, 50gn de poudre N150 ou N550 (rĂ©sultats similaires et pas de Nintendosoigne toujours autant sa communication autour de Splatoon 2 et a dĂ©voilĂ© aujourd’hui des informations, une vidĂ©o et des images pour les matchs pro.Comme annoncĂ© hier, Nintendo PDF| On Jan 1, 1986, Henry Tourneux published Petit lexique crĂ©ole haĂŻtien utilisĂ© dans le domaine de l'Ă©lectricitĂ© (HaĂŻti) | Find, read and cite all the research you need on ResearchGate Avis Sur Le Site De Rencontre Meetic. Retour au menu Retour Ă  la rubrique contes Écoute ou tĂ©lĂ©chargement CommentairesBiographie ou informationsMusique Camille Saint Saens Carnaval des animaux fossiles Merci Ă  GrĂ©gory pour l'illustrationTexte ou Biographie de l'auteurErnest PĂ©rochon, nĂ© le 24 fĂ©vrier 1885 et mort le 10 fĂ©vrier 1942 Ă  56 ans, est un Ă©crivain français ayant obtenu le prix Goncourt 1920 pour NĂȘne. D'abord instituteur, il quitte l'enseignement pour l'Ă©criture en a Ă©crit des poĂšmes, des romans allant du rĂ©alisme Ă  la science-fiction, ainsi que des livres pour enfants. Le Lapon dans la marmite C'Ă©tait bien loin, en Laponie, du cĂŽtĂ© de la mer Blanche et de l'ocĂ©an Glacial. La Laponie n'est point un pays chaud ! Brrr !... Prononcer ces mots de mer Blanche » et d' ocĂ©an Glacial » suffit Ă  faire grelotter ! Les habitants de ce pays s'appellent les Lapons. Ce sont des hommes de petite taille, mais vigoureux, peu endurcis, peu sensibles au froid. Ils vivent en des villages ou bien sous des tentes en peaux de rennes. Les rennes remplacent pour eux les boeufs et les chevaux. A la belle saison, les Lapons chassent et pĂȘchent. Les Lapons dont il s'agit, en cette histoire, ne vivaient sous la tente qu'au moment des chasses. A l'ordinaire, ils habitaient au village de RekĂ©vik, non loin du rivage de l'ocĂ©an Glacial. Il y avait, en ce village de RikĂ©vik, un singulier garçon. Ah ! ce n'Ă©tait pas un gĂ©ant ! ni mĂȘme un Lapon de taille ordinaire ! C'Ă©tait le plus petit des petits Lapons... C'Ă©tait un nain et il s'appelait Mac-Nac. Son pĂšre et ses frĂšres disaient Que ferons-nous de ce petit rat ? Si nous l'emmenions Ă  la chasse, les loups le mangeraient en une bouchĂ©e. Pourra-t-il seulement surveiller les rennes ? A peine s'il est capable d'attiser le feu ! » Le pĂšre et les frĂšres de Mac-Nac Ă©taient de vaillants chasseurs. Quand ils partaient Ă  la recherche des ours blancs et des autres bĂȘtes Ă  fourrure, ils chantaient d'une voix rude En avant, fiers Lapons ! Brandissons nos harpons ! Les Lapons de chez nous N'ont jamais peur des loups ! Mac-Nac n'osait point mĂȘler sa voix de roitelet Ă  la grosse voix des chasseurs. Il aimait Ă  chanter, pourtant, lui aussi, quand il Ă©tait au coin du feu, tapant en mesure sur les bĂ»ches pour en faire monter des Ă©tincelles. Mais il chantait ceci, tout simplement La ri ri pan pou ! Pan pou la ri rette La ri ri pan pou Pan pan la ri ra Cela faisait une certaine diffĂ©rence ! Mac-Nac n'Ă©tait cependant ni peureux ni douillet. C'Ă©tait un garçon qui mangeait sa soupe sans souffler dessus. S'il tombait et s'il lui venait une bosse, il ne faisait pas de grimaces pour si peu. Il Ă©tait, en outre, extrĂȘmement rusĂ©. Quand il jouait avec ses frĂšres ou des camarades de son Ăąger, bien qu'il fut de beaucoup le plus petit, il gagnait toujours. C'est au jeu de cache-cache, surtout, qu'il se montrait malin. Sa petite taille lui permettait d'utiliser des cachettes invraisemblables. Il disparaissait, par exemple, dans une des bottes fourrĂ©es de son pĂšre ; ou bien, il se glissait dans un pot Ă  traire les rennes ; ou encore, il s'enveloppait des pieds Ă  la tĂȘte dans une peau de liĂšvre. Les autres passaient Ă  cĂŽtĂ© de lui sans jamais pouvoir le dĂ©couvrir. MalgrĂ© toutes ses qualitĂ©s, son pĂšre et ses frĂšres ne voulaient pas l'emmener Ă  la hasse. Ils le trouvaient trop petit, voilĂ  ! Mac-Nac demeurait donc avec sa mĂšre, chantonnant au coin du feu. Il surveillait cependant les rennes. Personne ne savait comme lui s'en faire aaimer et obĂ©ir. Quand, de sa petite voix fluette, il chantait son refrain favori, les rennes secouaient leurs grandes cornes branchues et accouraient autour de lui. MalgrĂ© cela, Mac-Nac s'ennuyait. Il eut voulu prendre part aux grandes chasses, avec son pĂšre et ses frĂšres. Un jour, il attela son renne prĂ©fĂ©rĂ© Ă  un petit traĂźneau, et il dit Ă  sa mĂšre Donnez-moi une boussole, afin que je rejoigne les chasseurs qui sont partis vers le Nord. - Une boussole ne suffit pas pour aller Ă  la chasse, dit la mĂšre. - Non, rĂ©pondit Mn-Nac. Aussi vous demanderai-je encore 1° Un pistolet pour me dĂ©fendre contre les ours et les loups ; 2° Des allumettes et un petit bidon de pĂ©trole pour allumer du bois mouillĂ© ; 3° La marmite que voici ! » Il dĂ©signait du doigt une vieille marmite sans pieds, toute ronde, avec une ouverture trĂšs Ă©troite. Que feras-tu de cette marmite ? demanda sa mĂšre - Cela, c'est mon secret ! » rĂ©pondit Mac-Nac Il mit les allumettes dans sa poche, le bidon et le pistolet dans la marmite, et la marmite sur le traĂźneau. Puis il monta sur le siĂšge et fit claquer sa langue, par deux fois. AussitĂŽt, le renne dĂ©marra. Mac-Nac chantait, pour l'encourager La ri ri pan pou ! Pan pou la ri rette La ri ri pan pou Pan pan la ri ra ! Le traĂźneau glissait vite sur la neige. GrĂące Ă  la boussole, Mac-Nac se dirigeait droit au nord. Quand le renne fut fatiguĂ©, Mac-Nac le laissa se reposer. Le renne se mit Ă  gratter la neige, pour dĂ©couvrir la mousse, dont il Ă©tait friand. Pendant ce temps, Man-Nac ramassait du bois pour faire du feu. Le bois Ă©tait mouillĂ©, mais mac-Nac ayant versĂ© dessus quelques gouttes de pĂ©trole, rĂ©ussit quand mĂȘme Ă  l'allumer. Tout Ă  coup, Man-Nac aperçut, au-dessus de sa tĂȘte, trĂšs haut dans le ciel, un gros oiseau qui planait. C'est une oie sauvage, ou u cygne des glaces ! » pensait-il. Or, ce n'Ă©tait point une oie sauvage ni un cygne des glaces, mais un grand aigle des montagnes. L'aigle avait aperçu Mac-Nac. Il s'Ă©tait dit Je vais manger ce petit bout de Lapon ! » Et il descendit rapidement. Mac-Nac vit le danger. AussitĂŽt, il sauta dans sa marmite, dont il boucha le tou avec un morceau d'Ă©corce de bouleau. L'aigle arrivait au sol. Tiens ! pensa-t-il. C'est trop fort ! J'avais pourtant bien cru voir un petit bout de Lapon ! » Il aperçut la marmite. Qu'est-ce que c'est que cette chose ronde ?... Ce doit ĂȘtre un oeuf je vais le couver ! » Et l'aigle s'accroupit sur la marmite. Oh ! Oh ! se dit Man-Nac, je ne vais pas rester dans cette position j'Ă©toufferais ! » Il se mit Ă  chanter La ri ri pan pou Pan pou AussitĂŽt, l'aigle se souleva en battant des ailes. Ah ! Ah ! Tu es cachĂ© lĂ -dedans, mauvaise graine de Lapon ... Je saurai bien t'en faire sortir ! » L'aigle creva d'un coup de bec l'Ă©corce de bouleau et il mit son oeil gauche au petit trou qu'il venait de faire. Alors, Mac-Nac braqua son pistolet et boum ! Il Ă©tendit l'aigle raide mort sur la neige. Puis il reprit sa place sur le siĂšge du traĂźneau et continua son voyage vers le nord. Il y avait environ une heure que Mac-Nac avait tuĂ© l'aigle des montagnes lorsque le renne, tout Ă  coup, s'arrĂȘta. Mac-Nac fit claquer sa langue pour l'encourager Ă  repartir, mais le renne ne bougea point. IL tremblait de tous ses membres. Il tourna la tĂȘte vers Mac-Nac comme pour le prĂ©venir d'un danger. Alors, Mac-Nac regarda autour de lui et il vit un gros ours blanc qui arrivait au grand trot. Mac-Nac fit rouler sa marmite sur la neige et se glissa Ă  l'intĂ©rieur. L'ours, affamĂ©, faisait, par avance, claquer ses mĂąchoires. Le renne eut si grand peur qu'il prit son Ă©lan pour se sauver. Mais Mac-Nac se mit Ă  chanter La ri ri pan pan Pan pou ... Le renne, rassurĂ© par la voix de son maĂźtre, ne bougea plus. L'ours se disait Je mangerai ce renne tout Ă  l'heure, tranquillement. Mais, auparavant, il faut que je me dĂ©barrasse du conducteur ; il doit ĂȘtre cachĂ© par ici, quelque part, puisque je l'entends chanter d'une voix de roitelet. » L'ours chercha le conducteur du traĂźneau pour le manger tout de suite. Il ne vit rien, que cette chose ronde sur la neige... Il s'en approcha et flaira. Tiens ! Tiens ! Je sens de la viande fraĂźche ...Est-ce qu'il n'y aurait point, lĂ - dedans, quelque petit bout de Lapon ? » Il mit son oeil droit Ă  l'ouverture de la marmite. Mac-Nac n'attendait que cela ! Il braqua son pistolet et boum ! Il Ă©tendit l'ours, raide mort, sur la neige. Puis il remonta sur le traĂźneau, consulta sa boussole, fit claquer sa langue par deux fois et continua son voyage, droit vers le nord. BientĂŽt, le renne s'arrĂȘta de nouveau. Cette fois, c'Ă©tait une bande de loups qui barrait la route. Le plus gros et le plus affamĂ© des loups prit les devants pour manger le renne et son conducteur. Mais Mac-Nac, rĂ©fugiĂ© dans sa marmite, tua le loup d'un coup de pistolet dans l'oeil, comme il avait tuĂ© l'ours et l'aigle des montagnes. Par malheur, le coup de pistolet n'effraya pas les autres loups. Sentant la chair fraĂźche, il s'approchĂšrent Ă  leur tour et firent cercle autour de la marmite. Mac-Nac, pour rassurer le renne, chantait, le plus tranquillement du monde La ri ri pan pou Pan pou Mais, au fond, il Ă©tait un peu inquiet, car il n'avait plus beaucoup de cartouches. Je tuerai bien encore deux ou trois loups avec mon pistolet, se disait-il, mais les autres ? Comment faire pour m'en dĂ©barrasser ? » Les loups Ă©taient assis en cercle. Leurs queues touffues, allongĂ©es sur la neige, faisaient autour de la marmite comme les rayons d'une roue. Qoudain, la marmite se mit en mouvement ! Toujours chantant, Man-Nac culbutait Ă  l'intĂ©rieur de la marmite ; et c'Ă©tait ce qui la faisait remuer ainsi. Elle roulait sur les queues des loups. Mais les loups ne bougeaient point. Ils se disaient Chante ! Culbute ! Fais tout ce que tu voudras ! Nous te mangerons quand mĂȘme, pauvre petit bout de Lapon ! » Et ils se pourlĂ©chaient les babines Ă  l'avance. Or, Mac-Nac faisait autre chose que chanter et culbuter. Chaque fois que la marmite passait sur la queue d'un loup, il versait quelques gouttes de pĂ©trole... Les loups sentirent l'odeur du pĂ©trole. Ils froncĂšrent le museau ; quelques uns Ă©ternuĂšrent... Mais aucun ne bougea. Tu finiras bien par montrer ton nez, mĂ©chant petit bout de Lapon ! » Quand toutes les queues des loups furent mouillĂ©es de pĂ©trole, Mac-Nac fit craquer une allumette... Frtt !... Une queue flamba..., puis une autre..., puis toutes Ă  la fois ! Il fallait voir les loups se sauver en hurlant, avec cette torche derriĂšre eux ! Jamais on n'avait vu de loups se sauver aussi vite ! Mac-Nac sauta hors de sa marmite. Il se bouchait le nez, Ă  cause de l'odeur du poil roussi, et il riait Ă  se tordre les cĂŽtes. Il remonta ensuite sur le traĂźneau, fit claquer sa langue par deux fois, et continua son voyage vers le nord. Mac-Nac ne tarda pas Ă  arriver prĂšs du rivage de l'ocĂ©an Glacial oĂč son pĂšre et ses frĂšres chassaient les phoques. BientĂŽt, il aperçut les tentes en peau de renne sous lesquelles les chasseurs se mettaient Ă  l'abri. Les chasseurs, avec leurs fusils, leurs harpons et leurs lances, avaient tuĂ© deux ours et beaucoup de phoques. Ils chantaient fiĂšrement Jamais un vrai Lapon Ne s'est montrĂ© poltron ! Les Lapons de chez nous N'ont jamais peur des loups ! Quand ils cessĂšrent de chanter, ils entendirent une petite voix de roitelet La ri ri pan pou ! Pan pou Ils s'Ă©criĂšrent tous C'est Mac-Nac ! » Il s sortirent de leurs tentes. C'Ă©tait, en effet, Mac-Nac qui arrivait. Bonjour, Mac-Nac ! Que viens-tu faire ici, pauvre petit rat ? Comment les loups ne t'ont-ils pas mangĂ© en route ? - Les loups ! dit Mac-Nab j'ai tuĂ© le gros et brĂ»lĂ© la queue des petits. J'ai aussi tuĂ© un ours blanc et un aigle des montagnes. » Les chasseurs ne firent que rire de ces paroles. Mais, le lendemain, ils tuĂšrent un loup qui s'Ă©tait aventurĂ© prĂšs des tentes. Et ce loup avait la queue brĂ»lĂ©e !... Les chasseurs furent bien obligĂ©s, alors, de croire ce que Mac-Nac avait dit. Ils revinrent avec lui au village de RikĂ©vik. Ils trouvĂšrent, sur leur chemin, le cadavre du gros loup, celui de l'ours Ă  belle fourrure et celui de l'aigle des montagnes. Alors, ils nommĂšrent Mac-Nac premier chasseur, Ă  cause de son courage et de sa ruse. Et, en arrivant au village, au lieu de leur chanson rude, c'Ă©tait le petit refrain de Mac-Nac qu'ils chantaient, tout simplement La ri ri pan pou Pan pou la ri rette ! La ri ri pan pou Pan pan la ri ra ! Retour Ă  la rubrique contes Retour au menu La grammaire est une chanson douce pan Erik Orsenna CaractĂ©ristiques La grammaire est une chanson douce Erik Orsenna Nb. de pages 136 Format Pdf, ePub, MOBI, FB2 ISBN 9782234054035 Editeur Stock Date de parution 2001 TĂ©lĂ©charger eBook gratuit Rapidshare ebooks tĂ©lĂ©chargements La grammaire est une chanson douce par Erik Orsenna Overview " Elle Ă©tait lĂ , immobile sur son lit, la petite phrase bien connue, trop connue Je t'aime. Trois mots maigres et pĂąles, si pĂąles. Les sept lettres ressortaient Ă  peine sur la blancheur des draps. Il me sembla qu'elle nous souriait, la petite phrase. Il me sembla qu'elle nous parlait Je suis un peu fatiguĂ©e. Il paraĂźt que j'ai trop travaillĂ©. Il faut que je me repose. Allons, allons, je t'aime, lui rĂ©pondit Monsieur Henri, je te connais. Depuis le temps que tu existes. Tu es solide. Quelques jours de repos et tu seras sur pied. Monsieur Henri Ă©tait aussi bouleversĂ© que moi. Tout le monde dit et rĂ©pĂšte " je t'aime ". Il faut faire attention aux mots. Ne pas les rĂ©pĂ©ter Ă  tout bout de champ. Ni les employer Ă  tort et Ă  travers, les uns pour les autres, en racontant des mensonges. Autrement, les mots s'usent. Et parfois, il est trop tard pour les sauver. " Plan Texte Notes Citation Auteur Texte intĂ©gral 1 Edward Bond, La Compagnie des hommes, Paris, L’Arche, 1992 [In the Company of Men, 1988]. 2 Unplugged » signifie dĂ©branchĂ©. On dit d’un groupe de musique qu’il joue unplugged, lorsqu’il jou ... 3 LĂ©o, en jouant Dans la compagnie des hommes » 120 min et Unplugged 92 min. ComplĂ©ments de pro ... 1LĂ©o, en jouant Dans la compagnie des hommes » France, 2003 est passĂ© quasiment inaperçu. RĂ©alisĂ© pour Arte, le cinquiĂšme film de Desplechin n’a Ă©tĂ© projetĂ© que dans une salle parisienne au moment de sa sortie cinĂ©ma, bien qu’il ait Ă©tĂ© prĂ©sentĂ© au Festival de Cannes 2003 dans la section Un certain regard ». C’est pourtant un film tout Ă  fait singulier et il serait regrettable de nĂ©gliger son importance dans le parcours cinĂ©matographique de Desplechin. LĂ©o est l’adaptation d’une piĂšce anglaise d’Edward Bond, La Compagnie des hommes1. Assez fidĂšle au texte original, le film s’en Ă©carte toutefois Ă  plusieurs reprises, notamment par l’adjonction d’un personnage hamlĂ©tien, OphĂ©lie Anna Mouglalis, et par l’introduction ponctuelle, au sein du film principal en 35mm, de sĂ©quences vidĂ©o montrant la prĂ©paration du film par Desplechin et ses comĂ©diens. Ces rĂ©pĂ©titions font l’objet d’un film Ă  part entiĂšre, Unplugged, en jouant Dans la compagnie des hommes »2 France, 2004, inĂ©dit en salle et diffusĂ© uniquement en dvd3. 4 Trois ouvrages notables sont consacrĂ©s Ă  la dĂ©finition et Ă  l’histoire de ce concept dans le champ ... 5 Voir Ă  ce propos Arnaud Desplechin. La vraie vie ça ne peut pas ĂȘtre que ça ? », propos recueil ... 6 Arnaud Desplechin et Roger Bohbot, Rois & Reine, Paris, DenoĂ«l, 2005, p. 10. 2 La notion clĂ© qui jalonnera cet article est celle d’intertextualitĂ©, concept nĂ© dans le contexte structuraliste de la fin des annĂ©es 1960, puis repris et dĂ©veloppĂ© par les poststructuralistes dans le but d’en faire un outil d’analyse4. L’intertextualitĂ© s’est ainsi constituĂ©e en pratique d’écriture et/ou en pratique de lecture et dĂ©finit toute forme de correspondance qui peut ĂȘtre Ă©tablie entre un texte de quelque nature qu’il soit filmique, scriptural, iconique, musical, etc. et une autre production antĂ©rieure ou synchronique. Mon ambition est donc de comprendre de quelle maniĂšre LĂ©o s’approprie, assimile et transforme ses intertextes et d’analyser les points essentiels des relations dialogiques qui en rĂ©sultent. Le choix de cette orientation n’est pas le fruit du hasard. Desplechin truffe son cinĂ©ma de rĂ©fĂ©rences, citations et rĂ©emplois en tous genres. CinĂ©phile fervent et lecteur avide, il conçoit la mise en scĂšne comme un travail d’interprĂ©tation et de confrontation Ă  des modĂšles5. Sa dĂ©marche se rĂ©sume assez bien par cette phrase tirĂ©e de la prĂ©face du scĂ©nario de Rois et Reine France, 2004 Devinant ce film mien qui se dessine, j’essaie avant tout d’ĂȘtre rageusement fidĂšle aux films [et Ă  toutes les autres Ɠuvres, pourrait-on ajouter] qui m’ont inventĂ©. »6 Apparaissent ici les notions de transmission et de filiation, qui sont omniprĂ©sentes dans ses films, tant au niveau esthĂ©tique que thĂ©matique. De ce point de vue, LĂ©o est tout Ă  fait emblĂ©matique puisque le film intĂšgre deux textes qui ont prĂ©cisĂ©ment pour sujet l’hĂ©ritage laissĂ© par un pĂšre Ă  son fils et la difficultĂ© d’assumer le rĂŽle de successeur. Dans la piĂšce de Bond, LĂ©onard est un enfant abandonnĂ© et adoptĂ© par Oldfield Jurrieu dans le film, jouĂ© par Jean-Paul Roussillon, un riche et puissant commerçant d’armes. ChargĂ© de prendre la relĂšve Ă  la tĂȘte de la sociĂ©tĂ©, LĂ©onard cherche Ă  se montrer digne de son pĂšre, puis finit par le trahir et tenter de l’assassiner. La rĂ©fĂ©rence explicite Ă  Hamlet viendra redoubler ce thĂšme du conflit familial, tout en lui confĂ©rant une nouvelle dimension. Cette Ă©tude s’organisera en trois temps. Je me pencherai tout d’abord sur la rencontre entre LĂ©o et ses deux principales sources, In the Company of Men et Hamlet [1603]. J’examinerai les procĂ©dĂ©s d’intĂ©gration de la matiĂšre shakespearienne au sein de l’univers diĂ©gĂ©tique empruntĂ© Ă  Bond et tenterai de comprendre ses causes et ses effets. Dans un deuxiĂšme temps, j’analyserai la relation complexe que LĂ©o entretient avec son pendant documentaire Unplugged. Enfin, je tenterai de mettre en perspective les liens profonds qui unissent LĂ©o au film de Desplechin qui l’a immĂ©diatement suivi, Rois et Reine. J’exposerai briĂšvement les enjeux de l’usage de rĂ©fĂ©rences dans ce dernier et proposerai une piste de rĂ©flexion sur l’évolution de la pratique intertextuelle du cinĂ©aste. LĂ©o et ses hypotextes 7 GĂ©rard Genette, Palimpsestes, Paris, Seuil, 1982. 8 Sa propre traduction, puisqu’elle diffĂšre des versions françaises dĂ©jĂ  existantes. 3L’adaptation d’un texte littĂ©raire romanesque, dramaturgique ou autre est une pratique extrĂȘmement rĂ©pandue au cinĂ©ma et entre dans ce que Genette, dans Palimpsestes7, appelle l’hypertextualitĂ©, c’est-Ă -dire une relation de dĂ©rivation qui unit un hypertexte le texte second et un hypotexte le texte antĂ©rieur. Avec LĂ©o, Desplechin adapte pour la seconde fois, aprĂšs Esther Kahn France/France-Bretagne, 2000, un texte littĂ©raire anglais. Cependant, c’est Ă  un exercice d’écriture hypertextuelle totalement diffĂ©rent qu’il s’est essayĂ© dans le second film. Pour l’adaptation d’Esther Kahn, courte nouvelle d’Arthur Symons publiĂ©e en 1905, Desplechin, assistĂ© d’Emmanuel Bourdieu, avait fait le choix de conserver le texte en version originale, de tourner en Angleterre et de ne pas changer le contexte temporel, situant ainsi l’histoire Ă  la fin du xixe siĂšcle. Cette fois, il opĂšre une transposition spatiale et propose une traduction du texte en langue française8, ce qui le conduit Ă  changer le nom des personnages Ă  consonance anglophone. L’autre diffĂ©rence majeure concerne la nature et la longueur du texte. Esther Kahn est une nouvelle trĂšs brĂšve, Ă  peine 25 pages, alors que In the Company of Men est une longue piĂšce de théùtre peuplĂ©e de personnages spĂ©cialement volubiles. Le travail de Desplechin pour Esther Kahn consistait ainsi Ă  amplifier l’hypotexte en dĂ©veloppant ses potentialitĂ©s latentes et en donnant corps aux extrapolations que le texte-source encourageait ou qui sont nĂ©es de positions interprĂ©tatives particuliĂšres. Dans Palimpsestes, Genette distingue l’extension augmentation par addition massive de l’expansion dilatation stylistique, deux pratiques qui jouent gĂ©nĂ©ralement de concert. Le respect total du texte de Symons conduit Desplechin Ă  privilĂ©gier la seconde, n’ajoutant que trĂšs peu d’élĂ©ments totalement absents de la nouvelle, mais donnant de l’ampleur au rĂ©cit d’actions rĂ©sumĂ©es en quelques phrases par Symons. Au contraire, Arnaud Desplechin, Nicolas Saada et Emmanuel Bourdieu, coscĂ©naristes de LĂ©o, ont davantage utilisĂ© le procĂ©dĂ© inverse, c’est-Ă -dire l’excision et la concision. Dans le systĂšme genettien, l’excision est l’antithĂšse de l’extension et dĂ©signe donc une rĂ©duction par suppression, tandis que la concision, opĂ©ration inverse de l’expansion, consiste en une condensation par un style plus succinct. Pour le dire autrement, l’excision est l’abandon d’un Ă©lĂ©ment, alors que la concision le conserve mais l’exprime plus briĂšvement. La piĂšce de Bond se caractĂ©rise par des monologues trĂšs complexes et souvent extrĂȘmement longs. Les scĂ©naristes ont donc choisi de couper franchement dans le texte, tantĂŽt un bout de phrase, tantĂŽt un pan entier de dialogues. Le travail sur le texte ne s’est pas arrĂȘtĂ© lĂ , puisque trĂšs souvent l’ordre des rĂ©pliques, voire des scĂšnes, est modifiĂ©. MalgrĂ© cela, le sens global de la piĂšce est conservĂ©, les limites de la diĂ©gĂšse sont les mĂȘmes et Ă  quelques exceptions prĂšs, l’intrigue suit strictement le fil narratif tissĂ© par Edward Bond. Toutefois, le film effectue quelques Ă©carts, certes peu nombreux, mais par consĂ©quent d’autant plus intĂ©ressants et significatifs. Ces modifications relĂšvent selon moi de trois rĂ©solutions esthĂ©tiques particuliĂšres. 4 La premiĂšre rĂ©solution est celle de rompre ponctuellement avec la reprĂ©sentation scĂ©nique et de dĂ©velopper les virtualitĂ©s de l’hypotexte que les limites inhĂ©rentes Ă  la reprĂ©sentation théùtrale devaient laisser Ă  l’état d’embryon et que le mĂ©dium cinĂ©ma permettait d’accomplir. D’une part, les scĂ©naristes se sont employĂ©s Ă  donner de l’air » Ă  la narration en multipliant les lieux extĂ©rieurs et intĂ©rieurs. A l’origine, la piĂšce de Bond ne se dĂ©roule que dans des espaces fermĂ©s la rĂ©sidence principale des Oldfield, leur maison de campagne et une vieille bĂątisse en ruine. Or le film dĂ©place plusieurs scĂšnes dans un cadre diffĂ©rent. Ainsi, la premiĂšre rencontre entre LĂ©onard Sami Bouajila et William Hippolyte Girardot / qui s’appelle Wilbraham dans la piĂšce, durant laquelle ils nĂ©gocient le rachat de la sociĂ©tĂ© de William avec Doniol Laszlo Szabo / Dodds chez Bond pour arbitre, n’a plus lieu dans le salon de la maison principale. Les trois personnages se rendent dans une forĂȘt, Ă  l’abri des regards, puis terminent leurs tractations dans une voiture. On peut citer plusieurs autres exemples de transpositions spatiales ponctuelles la rencontre entre Hammer Wladimir Yordanoff / Hammond dans la piĂšce et LĂ©onard a lieu dans un grand bureau ; la discussion durant laquelle Jurrieu annonce Ă  son fils qu’il le fait entrer au conseil d’administration se dĂ©roule dans un cafĂ© ; la prĂ©sentation du nouveau fusil est dĂ©placĂ©e dans le jardin, etc. D’autre part, le film opĂšre deux expansions patentes. Celles-ci concernent deux analepses de la piĂšce transformĂ©es en longs flashbacks pour le film. Le premier est racontĂ© par Jurrieu Ă  son fils. Il lui explique comment il a Ă©tĂ© trouvĂ© abandonnĂ© sur le seuil de leur porte et de quelle maniĂšre ThĂ©rĂšse, sa femme dĂ©cĂ©dĂ©e, a simulĂ© un accouchement, au moyen de mĂ©dicaments destinĂ©s Ă  lui donner de violents maux de ventre, et d’une poche de sang pour arroser le bĂ©bĂ©. Se rĂ©jouissant de la douleur terrassante qu’elle s’inflige, ThĂ©rĂšse baigne son fils de sang fig. 1. Cet Ă©pisode est entiĂšrement actualisĂ© dans le film, lui confĂ©rant un impact supĂ©rieur et donnant corps Ă  un personnage absent de la piĂšce. 9 La piĂšce n’est pas divisĂ©e en actes et en scĂšnes, mais en neuf unitĂ©s » units. 10 Dans la piĂšce, Bartley prĂ©sente d’emblĂ©e sa premiĂšre histoire comme un mensonge. Edward Bond, op. c ... 5 Le second rĂ©cit, dont la narration est dĂ©lĂ©guĂ©e au serviteur Jonas Bakary SangarĂ© / Bartley chez Bond, se divise en deux parties et Ă©voque la carriĂšre militaire de ce dernier dans un sous-marin nuclĂ©aire. Dans la piĂšce, ces deux parties sont situĂ©es dans la mĂȘme unitĂ© 59 et ne sont sĂ©parĂ©es que par l’irruption de Hammond dans le refuge de LĂ©onard et Bartley. Dans le film en revanche, la premiĂšre partie est dĂ©placĂ©e au dĂ©but. AprĂšs que Jurrieu est allĂ© se coucher, Jonas raconte Ă  LĂ©onard sa rencontre avec le pĂšre de ce dernier et relate la discussion qu’il a eue avec lui au sujet de son engagement en tant que majordome. Les paroles de Jonas donnent naissance Ă  un flashback qui emmĂšne le spectateur dans le hall d’un grand bĂątiment. Jonas interpelle Jurrieu pour lui demander du travail. AprĂšs lui avoir montrĂ© ses Ă©tats de service qui mentionnent son passage en cour martiale, Jonas raconte sa mise Ă  pied qui serait survenue suite Ă  une blague graveleuse de sa part. A la fin du film, dans l’immeuble en ruine, Jonas revient sur les raisons qui l’ont conduit en cours martiale, avouant avoir menti Ă  Jurrieu pour pouvoir ĂȘtre embauchĂ©10. Le flashback qui en dĂ©coule est guidĂ© par quelques occurrences de la voix de Jonas, over, et ponctuĂ© de plusieurs retours au rĂ©cit-cadre qui marquent les ellipses du rĂ©cit enchĂąssĂ©. Alors que le texte est globalement raccourci, cet Ă©pisode qui ne s’étend que sur Ă  peine une page et demie dans la piĂšce dure environ sept minutes dans le film. Les scĂ©naristes ont donc choisi de gonfler cette anecdote, voyant lĂ  l’opportunitĂ© de tourner une scĂšne de cinĂ©ma intense, violente, trĂšs visuelle et situĂ©e dans un lieu particulier qui renvoie Ă  un genre cinĂ©matographique spĂ©cifique, le film de guerre fig. 2. 6 Desplechin a souvent Ă©voquĂ© son goĂ»t pour les films de genre et son intĂ©rĂȘt pour les assemblages hĂ©tĂ©roclites de sĂ©quences trĂšs diffĂ©rentes. Il n’est donc pas Ă©tonnant qu’il ait sautĂ© sur l’occasion de dĂ©velopper une sĂ©quence telle que celle-ci, un petit film Ă  part, presque autonome, dans un lieu et un genre trĂšs Ă©loignĂ© du rĂ©cit-cadre. 11 Desplechin – Saada, une conversation », bonus de LĂ©o, double dvd Arte vidĂ©o. 7 La deuxiĂšme opĂ©ration transformationnelle concerne la construction du savoir narratif du destinataire et son effet sur le mouvement gĂ©nĂ©ral du rĂ©cit. A une seule exception prĂšs – celle de la rĂ©vĂ©lation retardĂ©e du mensonge de Jonas que je viens d’évoquer – le film annule tous les effets de surprise construits par la piĂšce, au profit d’une Ă©criture que Desplechin qualifie lui-mĂȘme d’ hitchcockienne »11, basĂ©e sur le suspense et plaçant des objets au centre de l’attention. Les accessoires jouent dĂ©jĂ  un rĂŽle prĂ©pondĂ©rant dans l’Ɠuvre de Bond un verre de whisky mal prĂ©parĂ©, une chemise empruntĂ©e, deux chargeurs intervertis, un testament Ă  moitiĂ© signĂ© ; Desplechin ne fait donc qu’accentuer la prééminence de ces objets pour en faire les vecteurs du suspense et les moteurs du rĂ©cit. Parmi les quelques exemples qui illustrent cette troisiĂšme rĂ©solution, l’épisode du fusil de prĂ©cision me semble ĂȘtre le plus Ă©loquent. Alors que la rĂ©vĂ©lation au lecteur de la culpabilitĂ© de LĂ©onard dans cet incident est sans doute le point d’orgue de la piĂšce, Desplechin refuse cet effet, se focalisant sur LĂ©onard et octroyant une fonction narrative privilĂ©giĂ©e Ă  la cartouche que LĂ©onard tente de glisser dans le chargeur. Chez Bond, l’incident peut se rĂ©sumer ainsi le tout nouveau fusil des usines d’Oldfield est apportĂ© par Bartley qui s’occupe de remplir les chargeurs et qui est supposĂ© en placer un vide sur l’arme de dĂ©monstration. LĂ©onard s’en saisit et commence la prĂ©sentation. Alors qu’il vise son pĂšre, Bartley l’interrompt, sort le chargeur et y dĂ©couvre une balle. Il essaie de dissimuler la piĂšce Ă  conviction, mais se fait attraper par Oldfield. MalgrĂ© les protestations du domestique, chacun pense qu’il est le responsable de la bĂ©vue et qu’il a dĂ» se tromper de chargeur par inadvertance. On apprendra plus tard que c’était en fait LĂ©onard qui Ă©tait discrĂštement intervenu pour faire passer son crime pour un accident. Dans le film, l’histoire racontĂ©e est exactement la mĂȘme, les faits sont identiques, mais la construction narrative est totalement diffĂ©rente. Tout l’effet de la sĂ©quence est alors chamboulĂ©, convertissant une vague ambiguĂŻtĂ© conclue par un coup de théùtre en un long moment de suspense. DĂ©taillons cette sĂ©quence du film. Elle commence par une action forcĂ©ment absente de la piĂšce. LĂ©onard se trouve dans un entrepĂŽt et ouvre avec prĂ©caution une caisse de munitions. Il se saisit d’un chargeur et referme la caisse. AprĂšs un dĂ©tour par Shakespeare, on retrouve LĂ©onard dans la chambre de son pĂšre, qui est endormi. LĂ©onard subtilise alors une clĂ© sur la table de nuit et ouvre le grand coffre de la piĂšce d’à cĂŽtĂ© pour y prendre une cartouche. RĂ©veillĂ© par le bruit, Jurrieu l’appelle. LĂ©onard s’assied Ă  son chevet, la cartouche dans la main et le chargeur posĂ© sur le lit fig. 3. Le pĂšre porte un masque de sommeil qu’il ne retire pas, ce qui lui donne un dĂ©savantage perceptif Ă©vident par rapport au spectateur fig. 4. On assiste alors Ă  une courte conversation, banale mais trĂšs tendue, puisque Jurrieu, qui a la cartouche sous le nez, peut retirer son masque Ă  tout instant. 12 Nous faisons rĂ©fĂ©rence ici Ă  la cĂ©lĂšbre distinction d’Alfred Hitchcock entre la surprise » et le ... 8 Le film retrouve alors le fil narratif de la piĂšce pour le long entretien entre LĂ©onard et William unitĂ© 4. Or, cette scĂšne est enrichie par la nĂ©cessitĂ© pour LĂ©onard d’enfiler la cartouche dans le chargeur, sans que son interlocuteur ne s’en aperçoive. A nouveau, Desplechin dĂ©tourne l’attention du spectateur par des gros plans insistants sur la cartouche et les mains de LĂ©onard. Le discours bondien de William devient secondaire. Ce qui compte pour le spectateur, c’est d’observer Ă  quel moment LĂ©onard pourra profiter de l’agitation de son interlocuteur pour insĂ©rer la cartouche. Il y parvient finalement au dernier moment, alors que Jurrieu et Jonas sont entrĂ©s dans la piĂšce. Comme le spectateur sait que le fusil est chargĂ© et que LĂ©onard Ă  l’intention de tuer son pĂšre, la scĂšne de la dĂ©monstration dans le jardin pousse le suspense Ă  son paroxysme. LĂ©onard braque le fusil sur son pĂšre. Le pointeur laser parcourt le corps de Jurrieu fig. 5 qui accompagne lui-mĂȘme la tache rouge avec sa main, sereinement, ne se doutant de rien. Ce dĂ©placement du point de vue, cette redistribution des savoirs narratifs, crĂ©e toute la tension et la force de cette sĂ©quence et dĂ©coule directement des leçons d’Hitchcock12. 13 Philippe Azoury, Desplechin, le plein de doutes », LibĂ©ration, 17 mai 2003. 14 Edward Bond, op. cit., p. 41. 9 Enfin, le troisiĂšme parti pris esthĂ©tique qui constitue un Ă©cart notoire entre l’hypertexte et son hypotexte a notamment Ă©tĂ© mis en avant par Philippe Azoury dans sa critique pour LibĂ©ration En jouant â€č Dans la compagnie des hommes â€ș voudrait tout montrer, tout dire, tout dĂ©shabiller, tout faire comprendre, pour qu’aucune intention, cette fois, ne prenne le risque de rester incomprise. »13 Cette remarque, formulĂ©e dans un sens nettement dĂ©prĂ©ciatif dans les lignes de Philippe Azoury, me semble parfaitement pertinente, sans que cela n’appelle forcĂ©ment un quelconque jugement de valeur. Le signe le plus probant de cette tendance est sans doute la prĂ©sence rĂ©guliĂšre d’une voix over, vouĂ©e Ă  souligner les transitions narratives, Ă  annoncer l’évolution Ă  venir et Ă  tĂ©moigner des transports intĂ©rieurs des personnages, LĂ©onard en particulier. Le narrateur over Desplechin lui-mĂȘme dit par exemple Ă  la 34e minute LĂ©onard ne dit rien Ă  son pĂšre sur la proposition de William. Avec l’aide de Doniol il manƓuvre aussi habilement qu’il mĂšne Ă  bien l’achat de la sociĂ©tĂ©, puis l’éviction de William, sans que le vieux Jurrieu ne s’aperçoive de rien. » Ou, Ă  la 73e minute LĂ©onard a volĂ© une cartouche. Il va devoir maintenant intervertir les deux chargeurs. Son projet est guidĂ© par une haine maximale et un amour maximal. LĂ©onard va essayer de tuer son pĂšre pour lui arracher son royaume et, fils aimant, pour n’avoir jamais Ă  lui avouer sa dĂ©chĂ©ance. » L’interprĂ©tation est ainsi guidĂ©e par le narrateur qui cherche Ă  limiter le plus possible les zones d’ombre. Car la voix over n’intervient pas pour combler un manque laissĂ© par les coupures que les scĂ©naristes ont dĂ» opĂ©rer dans le texte original, mais donnent des prĂ©cisions qui ne sont pas explicitĂ©es par la piĂšce. La scĂšne, exclusive au film, durant laquelle LĂ©onard pleure, hurle et se frappe pour exprimer sa rage et son dĂ©pit d’avoir Ă©tĂ© piĂ©gĂ© 49’ remplit Ă  peu prĂšs la mĂȘme fonction. Le flou et l’ambiguĂŻtĂ© sont bannis et plusieurs objets introduits dans le film visent Ă©galement Ă  apporter une forme de tangibilitĂ© Ă  des dĂ©tails restĂ©s incertains dans l’hypotexte. Le film remplace par exemple la rĂ©plique de Dodds Votre pĂšre est venu me voir en ma qualitĂ© de secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de la compagnie et il a officiellement exprimĂ© ses doutes Ă  votre sujet. »14 par un enregistrement vidĂ©o qu’il montre Ă  LĂ©onard et dans lequel Jurrieu confie qu’il trouve son fils dangereux et qu’il veut le paralyser 48’. Par ce film Ă©trange, visiblement captĂ© en camĂ©ra cachĂ©e mais parfaitement cadrĂ©, le doute qui pouvait subsister dans la piĂšce quant Ă  la vĂ©racitĂ© des propos de Dodds est totalement dissipĂ©. Le coup bas de Jurrieu est certifiĂ© et il est mĂȘme rendu bien plus violent. De la mĂȘme façon, Hammer sort de sa poche un enregistreur audio qu’il place sur la table pendant sa conversation avec LĂ©onard pour lui rĂ©vĂ©ler qu’il a de quoi le faire chanter 46’30". Les deux aspects que je vais aborder maintenant, s’inscrivent Ă©galement dans ce dĂ©sir de tout montrer. D’une certaine maniĂšre, greffer Hamlet Ă  La Compagnie des hommes, c’est rendre explicite sa propre interprĂ©tation du texte, et insĂ©rer des sĂ©quences documentaires de rĂ©pĂ©titions, c’est exhiber de quelle maniĂšre on a fabriquĂ© le film. Le spectre dÊŒHamlet 10Desplechin entretient un rapport rĂ©current avec Shakespeare. DĂ©jĂ  dans La Sentinelle France, 1992, il faisait rĂ©citer au personnage prĂ©nommĂ© justement William un passage de Richard III [1591] et plus tard, dans une scĂšne particuliĂšrement cocasse, la cĂ©lĂ©brissime tirade d’Hamlet, que William dĂ©clame dans son bain avec dans les mains, le globe terrestre qui avait longtemps servi de cachette au crĂąne gardĂ© par Mathias. Le film cite donc Hamlet, tout en faisant allusion Ă  la reprĂ©sentation traditionnelle du personnage, tenant le crĂąne de Yorick. De façon plus naturelle, Shakespeare est aussi convoquĂ© dans Esther Kahn. La jeune Esther Summer Phoenix obtient le rĂŽle de doublure de Jessica, personnage du Marchand de Venise [1597]. Puis, lors du cours de théùtre avec Nathan Ian Holm, c’est Le Roi Lear [1606] qui est utilisĂ© pour l’exercice. Enfin, Philippe Fabrice Desplechin donne Ă  Esther son interprĂ©tation audacieuse d’un passage d’Othello [1604]. On retrouve dans cette scĂšne le goĂ»t de Desplechin pour les exĂ©gĂšses Ă  la fois provocatrices, adroites et savantes. Shakespeare est Ă©galement prĂ©sent dans Rois et Reine, Ă  double titre. TrĂšs liĂ© Ă  LĂ©o, le film reprend l’idĂ©e d’apparition fantomatique empruntĂ©e Ă  Hamlet et, de façon plus anecdotique, les deux infirmiers qui viennent chercher IsmaĂ«l Mathieu Amalric Ă  son domicile sont affublĂ©s des noms improbables de Prospero et Caliban, deux personnages de La TempĂȘte [1611]. Cette occurrence est d’autant plus dĂ©risoire que seul le nom du premier est prononcĂ©, trĂšs tard, dans le film. Il faut donc se rĂ©fĂ©rer au gĂ©nĂ©rique ou au scĂ©nario paru chez DenoĂ«l pour connaĂźtre le nom du second. Enfin, Un conte de NoĂ«l France, 2008 fait de multiples rĂ©fĂ©rences au Songe d’une nuit d’étĂ© et au Conte d’hiver. 15 Iago est un officier d’Othello dans la piĂšce du mĂȘme nom. 11 Il n’est donc pas Ă©tonnant de retrouver Shakespeare dans LĂ©o, d’autant que La Compagnie de hommes n’est pas sans lien avec les thĂšmes tragiques shakespeariens des hommes de pouvoir qui se disputent un royaume, la trahison d’un chef par son fidĂšle bras droit, l’exil et la mort d’un enfant banni. Cette relation se cristallise dans LĂ©o, lorsque Desplechin y intĂšgre un personnage externe. Durant une scĂšne de rĂ©pĂ©tition intĂ©grĂ©e au film et sous le prĂ©texte apparemment anodin que La Compagnie des hommes manque de filles », le cinĂ©aste choisit de prendre le personnage d’OphĂ©lie. AprĂšs plus d’une demi-heure de film, Anna Mouglalis fait donc son entrĂ©e pour jouer ce rĂŽle Ă©tranger qui redistribue les rĂŽles des personnages qui l’entourent dans son nouvel univers. LĂ©onard se double en Hamlet, son collĂšgue endosse le rĂŽle de LaĂ«rte, le frĂšre d’OphĂ©lie, et Doniol devient Polonius, mais aussi, comme Laszlo Szabo l’explique lui-mĂȘme pour le spectateur 36’ un peu Iago15 » puisqu’il trahit son maĂźtre Jurrieu ». Par un marquage intertextuel trĂšs fort, en dĂ©voilant ostensiblement les ficelles Ă©paisses de sa manigance, Desplechin brouille totalement le schĂ©ma actantiel qui avait Ă©tĂ© mis en place de façon tout Ă  fait stable jusque-lĂ , et insĂšre brutalement un corps exogĂšne, sans rĂ©ellement chercher Ă  le fondre dans le rĂ©cit premier. Ainsi, aucune des cinq scĂšnes comprenant OphĂ©lie ne trouve de rĂ©elle motivation narrative. Elles sont implantĂ©es au sein de l’intrigue et l’hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ© produite par ces collages est accentuĂ©e par les multiples allers-retours effectuĂ©s entre plusieurs situations d’énonciations diffĂ©rentes. 12 Le film de Desplechin est hantĂ© par l’Ɠuvre de Shakespeare comme Hamlet par le spectre de son pĂšre. Ces apparitions me semblent assumer de multiples fonctions et avoir une portĂ©e plus essentielle que la simple importation d’une femme dans un monde d’hommes, d’autant qu’elle ne s’y intĂšgre jamais vraiment. Comme je l’ai dit, les liens sĂ©mantiques et thĂ©matiques entre La Compagnie des hommes et plusieurs tragĂ©dies shakespeariennes sont criants Coriolan [1607] pour les luttes mesquines entre des hommes qui ambitionnent de prendre le pouvoir et l’exil du hĂ©ros, Othello pour la trahison du lieutenant du roi, Le Roi Lear pour la question de l’hĂ©ritage, etc. La prĂ©sence citationnelle rĂ©pĂ©tĂ©e et appuyĂ©e d’une Ɠuvre en particulier, a fortiori aussi cĂ©lĂšbre que Hamlet, lui confĂšre donc automatiquement une implication dialectique importante et tĂ©moigne d’une interprĂ©tation prĂ©cise du texte de Bond par les scĂ©naristes de LĂ©o. Il convient alors d’examiner soigneusement de quelle maniĂšre le film retravaille sa source. 16 La musique de LĂ©o est d’ailleurs entiĂšrement anempathique » Michel Chion, Le Son au cinĂ©ma, Pari ... 13 PremiĂšre constatation dans les cinq scĂšnes reprises dans le film, le traitement du texte-source est nettement subversif. En plus d’extraire des bouts de scĂšnes çà et lĂ  de la piĂšce de Shakespeare, pour les insĂ©rer sans mĂ©nagement dans le continuum de son propre texte, Desplechin coupe allĂ©grement dans les rĂ©pliques et les modernise en modifiant le vocabulaire. Cependant, il ne le modernise pas suffisamment pour que les rĂ©pliques semblent naturelles dans la bouche de personnages d’aujourd’hui. Cela conduit Ă  une double incongruitĂ©. D’une part, les personnages de Bond se voient attribuer des rĂ©pliques dont le lyrisme et les tournures ne siĂ©ent guĂšre Ă  leur rĂŽle et Ă  la situation ; et d’autre part, le texte de Shakespeare est vulgarisĂ© et rendu presque insignifiant par le contexte anachronique et artificiel dans lequel il s’inscrit. Dans la premiĂšre occurrence shakespearienne 38e minute, tirĂ©e de l’Acte I, scĂšne 3, OphĂ©lie fume une cigarette pendant son entretien avec son frĂšre LaĂ«rte. Le passage est considĂ©rablement raccourci et quelque peu transformĂ©. OphĂ©lie ponctue une phrase de son frĂšre d’un Ah ouais ? » assez peu Ă©lisabĂ©thain et toute la scĂšne est accompagnĂ©e d’un morceau rap de Diam’s, Partir, vraisemblablement extradiĂ©gĂ©tique16. Tout contribue dans la greffe de Shakespeare Ă  produire des contrastes puissants. Certes, comme souvent chez Desplechin, cette dĂ©marche est en partie entreprise sur un mode ludique et provocateur. Comme le titre du film l’indique, le cinĂ©aste joue. Il organise des rencontres impromptues entre les textes et entre les cultures, pour observer ce qui peut Ă©clore. Mais cette esthĂ©tique du choc va plus loin que le seul plaisir de faire des comparaisons et de provoquer la confusion du public. On touche lĂ  Ă  un enjeu nodal de la pratique filmique de Desplechin. Le cinĂ©ma est l’art des extrĂȘmes celui qui est le plus populaire, mais aussi celui qui a le pouvoir de redonner vie aux Ɠuvres les plus consacrĂ©es. Pour autant, Desplechin se mĂ©fie des hiĂ©rarchies culturelles. Aussi se donne-t-il pour tĂąche de matĂ©rialiser franchement des confrontations entre passĂ© et prĂ©sent, ou entre plusieurs passĂ©s diffĂ©rents, pour bouleverser les Ă©chelles de valeur. Non sans un certain formalisme, il construit donc ici des relations dialogiques extravagantes entre Shakespeare et Diam’s, entre Hamlet, l’un des textes les plus commentĂ©s et adaptĂ©s au monde et une piĂšce contemporaine, La Compagnie des hommes, qu’il dĂ©cide de filmer en rĂ©utilisant plusieurs codes du film policier et de la sĂ©rie B. Plus largement, LĂ©o est aussi la rencontre entre le théùtre et le cinĂ©ma et entre la fiction et le documentaire. Les antagonismes se construisent Ă  tous les niveaux, avec toujours la mĂȘme volontĂ© de remettre en question ce qui semble trop Ă©tabli. Alors les scĂšnes shakespeariennes sont toujours vacillantes, dĂ©construites. D’un plan Ă  l’autre, tout est bouleversĂ© le dĂ©cor, la lumiĂšre, le grain de l’image et la longueur des cheveux d’OphĂ©lie, pour qu’aucune frontiĂšre ne soit dĂ©limitable. Le tĂ©lescopage que le film organise entre les plans en pellicule et les plans en vidĂ©o n’est pas moins violent et riche en significations que la rencontre entre Bond et Shakespeare. Penchons-nous donc Ă  prĂ©sent sur la relation ambiguĂ« que le film entretient avec lui-mĂȘme en intĂ©grant dans le cours du rĂ©cit fictionnel des sĂ©quences tĂ©moignant du travail de rĂ©pĂ©titions menĂ© par Desplechin et ses acteurs. LĂ©o et Unplugged 17 Jean Ricardou, Pour une thĂ©orie du Nouveau roman, Paris, Seuil, 1971, p. 162. 18 Lucien DĂ€llenbach, Intertexte et autotexte », PoĂ©tique, no 27, Paris, Seuil, 1976, p. 262. 19 Carole Guidicelli, LĂ©o et son double Arnaud Desplechin entre théùtre et cinĂ©ma », dans Pierre-H ... 20 Emmanuel Burdeau, Desplechin en son pouvoir », Cahiers du cinĂ©ma, no 587, fĂ©vrier 2004, pp. 24-2 ... 21 Il l’explique dans Et en plus il y avait un sous-marin », propos recueillis par Emmanuel Burdeau ... 14Quel est le statut des plans en vidĂ©o qui sont intĂ©grĂ©s au dĂ©veloppement narratif classique » de LĂ©o ? Jean Ricardou opposait l’intertextualitĂ© externe et l’intertextualitĂ© interne17. La premiĂšre qualifiait la relation d’un texte avec un autre texte et la seconde, la relation d’un texte avec lui-mĂȘme. Pour clarifier la distinction et Ă©viter de reproduire le paradoxe contenu dans la dĂ©nomination de Ricardou, Lucien DĂ€llenbach a proposĂ© de renommer l’intertextualitĂ© interne, autotextualitĂ©18. Or, dans le cas prĂ©sent, sommes-nous face Ă  une pratique citationnelle d’un texte, Unplugged, par un autre, LĂ©o, ou est-ce plutĂŽt un cas de mĂ©tadiscursivitĂ©, de mise en abyme au sein d’un seul et mĂȘme film double et formellement hĂ©tĂ©rogĂšne ? Carole Guidicelli penche pour la premiĂšre solution, considĂ©rant les plans vidĂ©o comme tirĂ©s de Unplugged19. Emmanuel Burdeau, en revanche, ne fait pas cette distinction et insiste sur l’hybriditĂ© endogĂšne du film, en opposant LĂ©o-pellicule et LĂ©o-vidĂ©o20. Pour ma part, je ne pense pas qu’il soit nĂ©cessaire de se dĂ©cider pour l’un ou pour l’autre. LĂ©o et Unplugged sont certes deux films Ă  part entiĂšre, mais le projet initial de Desplechin prĂ©voyait dĂ©jĂ  d’intĂ©grer des sĂ©quences de rĂ©pĂ©tition et le tournage vidĂ©o a donc Ă©tĂ© rĂ©alisĂ© non seulement pour lui-mĂȘme, mais aussi pour LĂ©o21. L’ambiguĂŻtĂ© ne peut pas ĂȘtre levĂ©e et la connexion LĂ©o-Unplugged sera envisagĂ©e comme un cas limite d’intertextualitĂ©. Toutefois, l’analyse de son fonctionnement ne mĂ©rite pas moins sa place au sein de cette Ă©tude, Ă  plus forte raison que la prĂ©sence du documentaire dans la fiction et du théùtre dans le théùtre se trouve entrer en rĂ©sonance profonde avec Hamlet. MĂ©tadiscursivitĂ© 15Les citations de Unplugged peuvent ĂȘtre divisĂ©es en trois groupes distincts. Le premier groupe contient les trois occurrences dans lesquelles Desplechin et son Ă©quipe discutent de la piĂšce et du travail d’interprĂ©tation. La premiĂšre apparait dĂšs le gĂ©nĂ©rique. Sami Bouajila, Laszlo Szabo et Arnaud Desplechin sont autour d’une table fig. 6. Un gros plan prĂ©sente plusieurs exemplaires de l’édition française de la piĂšce de Bond fig. 7. Les trois hommes en parlent, prennent des notes. Contrairement aux deux autres, cette scĂšne documentaire ne coupe pas le fil narratif, puisqu’elle se situe avant mĂȘme le dĂ©but de l’immersion du spectateur dans l’univers fictionnel. Mais cette immersion est singuliĂšrement troublĂ©e par le dĂ©voilement immĂ©diat du travail de crĂ©ation, de la figure d’auteur, ainsi que de l’acteur en tant qu’acteur et non en tant que personnage. 22 Voir Ă  ce sujet Roger Odin, De la fiction, Bruxelles, De Boeck UniversitĂ©, 2000. 16 La seconde apparition est plus frappante. AprĂšs la conversation entre LĂ©onard et son pĂšre au sujet de sa place au conseil d’administration de la compagnie, la narration est brusquement interrompue par un retour Ă  la vidĂ©o. Les acteurs donnent alors leur interprĂ©tation des motivations qui animent leur personnage dans la scĂšne Ă  laquelle le spectateur vient juste d’assister. La derniĂšre apparition documentaire de cette espĂšce brise encore davantage la continuitĂ© narrative, puisqu’elle s’ouvre sur Sami Bouajila qui rĂ©pĂšte une tirade que l’on a dĂ©jĂ  entendue dans la fiction. Desplechin intervient ensuite pour se plaindre du manque de filles et l’introduction du personnage d’OphĂ©lie et ses implications sont alors dĂ©battues. Ces balancements entre fiction et documentaire sont donc de type mĂ©tadiscursif. Le documentaire se constitue comme le commentaire de la fiction en plus d’en ĂȘtre l’origine. On retrouve ici illustrĂ©e au pied de la lettre la conception selon laquelle tout film de fiction est en mĂȘme temps un documentaire sur sa propre fabrication et son contexte de production. Mais Desplechin annule cette simultanĂ©itĂ© en sĂ©parant formellement la fiction, dont la narration est en somme assez classique », et le documentaire, qui prend la forme d’un rĂ©el atelier de travail. LĂ©o et Unplugged apparaissent ainsi comme les deux visages de Janus, les deux revers, radicalement diffĂ©renciĂ©s, d’une seule mĂ©daille. Car le choc, aussi brutal soit-il, de la rencontre entre discours fictionnel et mĂ©tadiscours documentaire ne cherche pas tant Ă  les opposer qu’à dĂ©finir leur indissociabilitĂ©. Cette imbrication de LĂ©o, que l’on peut qualifier de fiction documentarisante, et de Unplugged, dont le degrĂ© Ă©levĂ© de narrativitĂ© incite, Ă  l’inverse, Ă  dĂ©finir comme un documentaire fictionnalisant22, a pour effet de bouleverser fortement la temporalitĂ©, de rompre la continuitĂ© et la clĂŽture du film et de tenir le spectateur Ă  distance de toute immersion fictionnelle. Montage altĂ©rĂ© le parasitage de Unplugged 23 Carole Guidicelli, op. cit., p. 107. 17Le deuxiĂšme type de citation se caractĂ©rise par l’hybridation de scĂšnes adaptĂ©es soit de Bond, soit de Shakespeare, par l’insert de plans tirĂ©s de Unplugged. Six scĂšnes sont ainsi marquĂ©es de façon plus ou moins prĂ©gnante par des raccords sauvages entre pellicule et vidĂ©o. DĂšs la premiĂšre scĂšne d’OphĂ©lie, son dialogue avec Polonius/Doniol est constituĂ© d’une sĂ©rie de champ-contrechamps qui prĂ©sente OphĂ©lie dans l’univers diĂ©gĂ©tique de LĂ©o, tandis que les plans sur son interlocuteur sont puisĂ©s dans Unplugged. Les autres scĂšnes fonctionnent de la mĂȘme maniĂšre la rencontre entre Hammer et LĂ©onard, la seconde conversation entre OphĂ©lie et son pĂšre, la scĂšne oĂč LĂ©onard est au chevet de son pĂšre, celle oĂč il lui avoue sa trahison, et enfin, les derniers plans du film, qui montrent la corde et la chaise dans le dĂ©cor du film, puis dans l’espace de rĂ©pĂ©tition. Ces plans concluent ainsi le film en rappelant son double mouvement et, comme le note Guidicelli, le double traitement des objets dans le film narratif pour l’un, poĂ©tique pour l’autre »23. Le parasitage de ces scĂšnes mutantes ne provoque pas de discontinuitĂ© narrative, comme c’est le cas des fragments mĂ©tadiscursifs. Au contraire, chaque jump cut d’une situation d’énonciation Ă  l’autre cherche Ă  s’insĂ©rer dans le flux du texte de Bond ou de Shakespeare. Il ne s’agit plus tant de mettre en perspective l’acte de crĂ©ation que d’afficher l’artificialitĂ© intrinsĂšque de la continuitĂ© cinĂ©matographique. L’espace profilmique du contrechamp n’est pas contigu Ă  celui du plan qui le prĂ©cĂšde. Les costumes, la lumiĂšre, le grain de l’image, rien n’est raccord. De cette façon, 24 MichĂšle Garneau, Effets de la théùtralitĂ© dans la modernitĂ© cinĂ©matographique », L’Annuaire théùt ... la fiction, s’exposant comme quelque chose d’extĂ©rieur Ă  la rĂ©alitĂ©, se fait théùtre de la fiction, se théùtralise. S’observe ici non pas un refus du rĂ©alisme mais une dĂ©nonciation du faux rĂ©alisme cinĂ©matographique – ce qu’on appelle vraisemblable – par un redoublement du simulacre, du faux-semblant. »24 25 Christian Metz, Histoire /discours. Note sur deux voyeurismes », dans Julia Kristeva, Jean-Claude ... 18 La discontinuitĂ© est notamment trĂšs forte dans la seconde scĂšne entre Polonius/Doniol et OphĂ©lie, qui change beaucoup d’aspect physique fig. 8 Ă  13. Les trois coupes de cheveux qu’arbore Anna Mouglalis reprĂ©sentent d’ailleurs nettement trois temps rĂ©els la rencontre et les premiers essais coupe longue, les rĂ©pĂ©titions cheveux courts et le tournage Ă  proprement parlĂ© coupe mi-longue. Toujours dans la mĂȘme volontĂ© de dĂ©tourner les mĂ©thodes classiques destinĂ©es Ă  dĂ©guiser le discours en histoire comme dirait Christian Metz25 et Ă  garantir l’immersion du spectateur, Desplechin use de tous les moyens les plus incisifs pour bousculer les habitudes. 26 Carole Guidicelli, op. cit., p. 108. 27 The time is out of joint », Hamlet, Acte I, scĂšne 5, traduit par Yves Bonnefoy. 28 OphĂ©lie / Polonius, LĂ©onard / Hammer, puis Ă  nouveau OphĂ©lie / Polonius et enfin deux fois LĂ©onard ... 19 Carole Guidicelli remarque trĂšs justement que ces scĂšnes hybrides servent Ă©galement Ă  crĂ©er une sorte d’effet-spectre, ce qui renvoie par consĂ©quent Ă  Hamlet, cette piĂšce hantĂ©e par la rĂ©flexivitĂ© de la crĂ©ation théùtrale »26. En effet, l’apparition fantomatique de Hammer 44’30", dont le Bonjour » semble tout droit sorti d’outre-tombe en raison d’un changement de texture du son, Ă©voque immĂ©diatement l’apparition spectrale d’Hamlet pĂšre et met le temps hors de ses gonds »27. La double temporalitĂ© Unplugged – LĂ©o, en ce qu’elle reprĂ©sente une opposition entre prĂ©sent et passĂ©, est d’autant plus fĂ©conde que le film est obsĂ©dĂ© par la question de l’hĂ©ritage et des problĂšmes de succession entre une gĂ©nĂ©ration et celle qui la suit. De ce point de vue, il est intĂ©ressant de constater que toutes les scĂšnes oĂč les deux temporalitĂ©s s’entrechoquent, opposent deux personnages de gĂ©nĂ©rations diffĂ©rentes28, et que dans la grande majoritĂ© des cas, c’est l’ancien des deux qui apparaĂźt en vidĂ©o, alors que le plus jeune conserve son intĂ©gritĂ© pellicule ». En revanche, toutes les scĂšnes qui concernent deux personnages de la mĂȘme gĂ©nĂ©ration sont soit entiĂšrement composĂ©es de plans pellicule, soit entiĂšrement tirĂ©s de Unplugged. Double jeu, triple je » 29 Comme le dit Nicolas Saada dans les bonus de Unplugged. 20Le dernier mode de citation n’est en fait constituĂ© que d’un seul exemple, celui de Sami Bouajila et Anna Mouglalis qui jouent une partie de la scĂšne 1 de l’Acte III de Hamlet fig. 14. Cette scĂšne est la seule qui puise son texte chez Shakespeare tout en Ă©tant intĂ©gralement empruntĂ©e Ă  Unplugged. Son Ă©trangetĂ© en est encore accrue puisque rien ne la rattache au continuum dans lequel elle se greffe, ni le dĂ©cor, ni les costumes, ni mĂȘme ce prĂ©nom, LĂ©onard, souvent prononcĂ© par les personnages hamlĂ©tiens. On sent que cet import est artificiel et par consĂ©quent que l’on regarde des acteurs jouant » et non des personnages. Ce jeu théùtral, ce jeu qui se prĂ©sente pour lui-mĂȘme, comme Ă©tant en train de se construire, est tout Ă  fait dĂ©routant. OphĂ©lie n’est pas un personnage classique, n’ayant ni motivation, ni psychologie, ni rĂŽle dans le schĂ©ma actantiel. Aussi le jeu d’Anna Mouglalis peut-il sembler vide, dĂ©sincarnĂ©. Cette scĂšne de rupture entre LĂ©onard/Hamlet et OphĂ©lie n’a pas d’autre emploi que celui d’ĂȘtre une pure scĂšne de jeu, dans laquelle il s’agit plus de goĂ»ter les mots »29 et de s’approprier le texte, que d’incarner un rĂŽle. Dans cette perspective, Hamlet n’a aucune importance. Cela aurait tout aussi bien pu ĂȘtre un texte de Sophocle, d’Ibsen, ou d’Arthur Miller. Or, le spectateur ne veut pas voir des acteurs jouant, mais des personnages, tout comme il ne veut pas voir des espaces, mais des lieux. 30 TĂ©lĂ©rama, no 2820, 31 janvier 2004. 31 L’article est consultable le site 32 Emmanuel Burdeau et Jean-Michel Frodon, op. cit., p. 26. 33 Voir Ă  ce propos Patrice Pavis, Vers une thĂ©orie de la pratique théùtrale. Voix et images de la s ... 21 Il est donc assez rĂ©vĂ©lateur que la performance d’Anna Mouglalis ait Ă©tĂ© plutĂŽt mal reçue par la critique. Pierre Murat la juge pas trĂšs Ă  l’aise »30. Jean Philippe TessĂ© trouve que la pauvre Mouglalis [est] balancĂ©e dans le film, minaudante, ridicule »31. Quant Ă  Emmanuel Burdeau, il utilise exactement le mĂȘme vocabulaire L’actrice lĂšve les yeux au ciel, change de coiffure, minaude, mais au bout du compte ne s’expose qu’au ridicule d’une prĂ©sence pure qu’aucun rĂŽle ne porte »32. Le jeu de Mouglalis peut ĂȘtre dĂ©crit par le concept brechtien de gestus33, qui dĂ©signe la seule performance d’un corps, de sa voix et de sa gestuelle. La derniĂšre scĂšne d’OphĂ©lie est exemplaire de ce point de vue. EntiĂšrement composĂ©e de plans en 35mm, elle prĂ©sente OphĂ©lie qui a sombrĂ© dans la folie dans la scĂšne 5 de l’Acte IV. Comme dans la piĂšce, elle distribue des fleurs, mais dans le film elle ne s’adresse Ă  personne, laissant tomber sur le sol les fleurs qu’elle tend fig. 15. 22 Cette situation, en plus d’intensifier la folie d’OphĂ©lie, insiste surtout sur la dĂ©sincarnation de l’actrice, sur l’absurditĂ© de son intervention et donc sur la rĂ©duction de l’actrice Ă  la seule occupation corporelle de l’espace. Qui est lĂ  ? La question revient souvent dans Hamlet. Elle a aussi Ă©tĂ© posĂ©e par Nathan dans Esther Kahn, au cours de la sĂ©quence des leçons de théùtre. AprĂšs avoir demandĂ© Ă  la jeune actrice d’entrer en scĂšne et tandis qu’ils s’exercent sur une scĂšne du Roi Lear, Nathan lui demande – Qui vient d’entrer ?– Cordelia ?– Allons donc. Tu sais bien que ce n’est pas vrai. Tout le monde sait qu’il s’agit d’une piĂšce de Shakespeare et Shakespeare est mort depuis des siĂšcles. Il n’y a que toi et moi dans ce théùtre. Est-ce que vraiment tu espĂšres me faire croire que c’est Cordelia, la vraie Cordelia qui vient d’entrer maintenant ?– Alors qui vient d’entrer maintenant ?– Je n’en sais rien.– Je suis Esther.– Oui et ça c’est trĂšs important. Mais ça ne suffit pas. Parce que cette fille qui vient d’entrer, elle doit dire – qu’est-ce que Cordelia peut dire ? – Aime et tais-toi. » Et Esther ne parle pas exactement comme ça. 34 Jacqueline Nacache, L’Acteur de cinĂ©ma, Paris, Nathan, 2003, p. 17. 35 Id., p. 11. 23 Ces deux films posent la question aussi essentielle que dĂ©licate de la situation d’énonciation au théùtre et au cinĂ©ma. Qui parle ? D’oĂč viennent ces mots ? Et Ă  qui sont-ils adressĂ©s ? La théùtralitĂ© de LĂ©o pointe du doigt la dĂ©marcation floue entre l’acteur et le personnage, ainsi que l’origine Ă©trangĂšre de chaque mot employĂ©. Les sĂ©quences de rĂ©pĂ©titions dĂ©voilent une rĂ©alitĂ© toute simple les acteurs tentent de se dĂ©guiser en quelqu’un d’autre et prononcent des mots qui ne sont pas les leurs. LĂ©onard est aussi Hamlet, soit, mais il est surtout Sami. Cette triple identitĂ© s’affiche comme telle, annihilant toute possibilitĂ© d’identification pour le spectateur. De fait, le spectateur s’identifie alors autant Ă  l’acteur qu’au personnage. Sami se fait appeler LĂ©onard et lit le texte de Shakespeare qu’il tient dans les mains. Les trois identitĂ©s s’alternent et mĂȘme se superposent. Le corps de Sami Bouajila a ainsi plusieurs rĂ©fĂ©rents simultanĂ©s, il se disloque. Comme le dit Jacqueline Nacache, l’acteur est une tension, une dĂ©chirure, une sorte de monstre »34. On retrouve aussi chez elle l’idĂ©e de spectre, si prĂ©pondĂ©rante dans LĂ©o Au cinĂ©ma, pas de peau, ni de chair, ni de dehors-dedans. L’acteur n’est qu’un fantĂŽme, analogon Ă©lectrique, vestige de quelque chose qui a vĂ©cu, bougĂ©, souri, pleurĂ© devant la camĂ©ra, mais dont il ne reste presque plus rien »35. Sami n’est pas vraiment LĂ©onard, ni vraiment Hamlet. Il n’est pas tout Ă  fait Sami non plus. Comme Jonas qui trempe machinalement son pain dans le sang de son collĂšgue, le cinĂ©ma est un cannibale. Il avale mĂ©caniquement ce qui se prĂ©sente Ă  lui et en recrache une image imparfaite. 36 Dominique Nasta, Du Kammerspiel Ă  â€č Dogma â€ș Ă©motion et distanciation dans la mise en scĂšne du j ... 37 Ibid. 38 Antoine de Baecque et Thierry Jousse, Le Retour du cinĂ©ma, Paris, Hachette, 1996 p. 116. 24 De maniĂšre gĂ©nĂ©rale, le jeu des acteurs de Desplechin est excessif, dĂ©calĂ©, naviguant sans cesse entre Ă©motion et distanciation, entre l’ĂȘtre mimĂ©tique proche du rĂ©el reprĂ©sentĂ© et le â€č paraĂźtre â€ș que lui dicte la loi de l’organisation diĂ©gĂ©tique du film »36. Il est proche en cela du Kammerspiel qui Ă©tait d’ailleurs le titre initial d’Un conte de NoĂ«l, ce théùtre de l’intime, de l’introspection, cette visitation de l’ñme par la mise en scĂšne et le jeu d’acteur »37. Comme il le dit lui-mĂȘme, ce qu’il recherche en filmant ses acteurs, c’est Ă  capter leur pensĂ©e38. Toutefois, attachĂ© Ă  ce jeu et Ă  cette mise en scĂšne de l’artifice que l’on qualifie peut-ĂȘtre un peu vite de théùtral », Desplechin n’use que trĂšs peu du dispositif propre Ă  la reprĂ©sentation théùtrale. La camĂ©ra, trĂšs mobile, filme les corps au plus prĂšs. Ces corps qui, dans Unplugged, ne sont pas dans les dĂ©cors prĂ©vus pour la fiction, mais pas non plus sur un espace scĂ©nique faisant face Ă  un espace rĂ©servĂ© Ă  un public. Les acteurs rĂ©pĂštent dans un espace neutre, un grand atelier, et jouent toujours pour » la camĂ©ra. Par l’extrĂȘme complexitĂ© du systĂšme Ă©nonciatif de LĂ©o, Desplechin parvient Ă  mettre en corrĂ©lation trois niveaux, trois rĂ©alitĂ©s distinctes qui s’interpĂ©nĂštrent. Les frontiĂšres entre le cinĂ©ma, le théùtre et la vie sont exposĂ©es tout en Ă©tant rendues trĂšs floues. En somme, LĂ©o apparaĂźt comme une sorte de compendium des ambitions esthĂ©tiques du cinĂ©ma dit moderne. Le film est non seulement hantĂ© par le théùtre deux piĂšces, mais aussi par une forme de théùtralitĂ©, Ă  savoir par la mise en perspective de sa propre reprĂ©sentation et de sa propre artificialitĂ©. De façon tout aussi schĂ©matique, le film met Ă  mal la continuitĂ© narrative, segmentant le cours d’un rĂ©cit classique par l’injection de sĂ©quences exogĂšnes. Par lĂ  mĂȘme, LĂ©o se prĂ©sente comme un tĂ©moignage de sa crĂ©ation et engage ainsi une lecture documentarisante. La rĂ©flexivitĂ©, la théùtralitĂ©, la discontinuitĂ©, le rejet du personnage classique, tout le programme moderne est lĂ . Cependant et paradoxalement, le traitement ludique et presque caricatural de ces problĂ©matiques est plus caractĂ©ristique du courant cinĂ©matographique qui a justement voulu nier la modernitĂ©, la postmodernitĂ©. Rois et Reine, le faux jumeau de LĂ©o 39 Entretien avec Arnaud Desplechin. Bien sĂ»r qu’on est des rois, des reines, des princes », propos ... 40 Id., p. 24. 41 Le narrateur dit Zeus aimait la belle LĂ©da, Ă©pouse du mortel Tyndare, neuviĂšme roi de Sparte. I ... 42 Au mur du salon d’IsmaĂ«l est accrochĂ©e une affiche reprĂ©sentant Hercule se battant contre le taurea ... 25LĂ©o, comme tout le cinĂ©ma de Desplechin, intĂšgre l’autre en soi de maniĂšre quasiment compulsive. Le cinĂ©aste sĂ©lectionne, dĂ©coupe et colle avec soin les intertextes qui sont autant de questions qu’il pose Ă  sa propre dĂ©marche. Cette esthĂ©tique de la contamination, du brassage de rĂ©fĂ©rences s’est confirmĂ©e par la suite, tout particuliĂšrement dans Rois et Reine et Un conte de NoĂ«l. Pourtant, sa pratique intertextuelle semble ĂȘtre en Ă©volution constante. Rois et Reine est inextricablement liĂ© Ă  LĂ©o, notamment parce qu’ils ont Ă©tĂ© conçus en parallĂšle par Desplechin, qui considĂšre les deux opus comme un diptyque sur l’adoption et a mĂȘme envisagĂ© d’intercaler Rois et Reine entre la sortie de LĂ©o et celle de Unplugged39. Le film oppose deux rĂ©cits parallĂšles au sein mĂȘme d’un seul univers diĂ©gĂ©tique. Il balance entre le vaste et fastueux royaume de Nora Emmanuelle Devos et celui, Ă©triquĂ© et dĂ©sordonnĂ©, d’IsmaĂ«l. Cette structure narrative est soulignĂ©e par la tonalitĂ© radicalement diffĂ©rente des deux parties. Comme l’explique Desplechin, la partie centrĂ©e sur Nora raconte la destinĂ©e d’une femme Ă  la maniĂšre d’un mĂ©lodrame hollywoodien de la fin des annĂ©es 1950, tandis que la partie centrĂ©e sur IsmaĂ«l relate les pĂ©ripĂ©ties burlesques d’un personnage comique inspirĂ© du cinĂ©ma amĂ©ricain des annĂ©es 196040. Les brusques changements de ton creusent l’écart entre les deux rĂ©cits entremĂȘlĂ©s. On retrouve Ă©galement dans Rois et Reine des personnages Ă  identitĂ©s multiples. De façon moins explicite que dans LĂ©o, plus fine sans doute, les deux personnages centraux sont utilisĂ©s comme les lieux d’un carrefour intertextuel. Par le biais d’une sorte d’épigraphe prononcĂ©e par un locuteur over Ă  l’ouverture du rĂ©cit41, puis par la prĂ©sence rĂ©pĂ©tĂ©e d’un intertexte iconique, une gravure, Nora est associĂ©e au personnage mythologique de LĂ©da. Selon la lĂ©gende, cette reine de Sparte attira les convoitises de Zeus qui se transforma en cygne pour la sĂ©duire et y parvint. En rĂ©action, IsmaĂ«l est Ă©galement comparĂ© Ă  une figure de la mythologie grecque. De multiples reprĂ©sentations d’Hercule parsĂšment en effet sa partie de maniĂšre plus ou moins discrĂšte42. Nora se voit aussi comparĂ©e Ă  Holly Golightly Audrey Hepburn, l’hĂ©roĂŻne de Diamants sur canapĂ© Breakfast at Tiffany’s, Blake Edwards, Etats-Unis, 1961, via la rĂ©currence du thĂšme de Moon River d’Henri Mancini qui fonctionne comme un leitmotiv. La musique de la partie IsmaĂ«l » ne fait pas rĂ©fĂ©rence Ă  un personnage prĂ©cis, mais illustre nĂ©anmoins le nivellement culturel dont IsmaĂ«l s’avĂšre ĂȘtre le chantre. Il est altiste dans un quatuor et joue de la musique de chambre de Boccherini pĂ©riode classique. Puis il se fait virer, intĂšgre alors un grand orchestre et joue la musique prĂ©-contemporaine de Webern, tandis que chez lui ou dans sa voiture, il Ă©coute du rap. L’intertextualitĂ© musicale de la partie IsmaĂ«l » fait donc surtout appel aux connotations culturelles des textes empruntĂ©s. 26 Les prĂ©noms des deux protagonistes sont aussi des rĂ©fĂ©rences intertextuelles. Nora est le nom du personnage principal de La Maison de poupĂ©e [1879] d’Henrik Ibsen. Une femme simple, morale, qui vit dans la plus parfaite soumission Ă  son mari et qui s’émancipe finalement en quittant son foyer. IsmaĂ«l est d’une part le nom du hĂ©ros de Moby Dick [1851] d’Herman Melville, qui part Ă  la chasse Ă  la baleine et qui finit seul rescapĂ© d’un naufrage, et, d’autre part, une figure biblique, premier fils d’Abraham qui symbolise la marginalitĂ©, le refus et le rejet de la sociĂ©tĂ©. Certes ces rapprochements intertextuels peuvent engager un travail hermĂ©neutique dialogique entre le film et ses rĂ©fĂ©rences. Toutefois, Ă  part quelques connexions souvent lĂ©gĂšres et amusantes – par exemple le fait qu’Arielle, jeune suicidaire multirĂ©cidiviste ait comme nom de famille PhĂ©nix, du nom de la crĂ©ature mythologique qui renait de ses cendres – ces relations intertextuelles de Rois et Reine ne me semblent pas destinĂ©es Ă  ĂȘtre expressĂ©ment Ă©tudiĂ©es par le spectateur. Le marquage intertextuel est d’ailleurs souvent assez faible. Le but est davantage de donner une sorte d’épaisseur au personnage, une dimension bigger than life, et d’ouvrir le champ des possibles. Desplechin justifie sa dĂ©marche 43 StĂ©phane Goudet et Claire VassĂ©, op. cit., p. 26. La discussion avec Roger [Bohbot, le coscĂ©nariste du film] c’était pourquoi mettre quelque chose dans le film que les spectateurs ne vont pas voir ou comprendre ? Je lui disais C’est parce que tu rĂ©flĂ©chis comme un adulte. Quand on est un enfant, on est entourĂ© de significations qui brillent dans tous les sens. Et au contraire d’ĂȘtre un problĂšme, on se dit que c’est vachement bien d’ĂȘtre en vie. Des significations qui brillent partout, c’est quand mĂȘme vachement plus agrĂ©able qu’un monde qui ne veut rien dire du tout. Ça on le perçoit si bien quand on est enfant. Le monde est plein de significations et on ne cherche pas du tout Ă  les contrĂŽler quand on est un bon spectateur de cinĂ©ma. C’est-Ă -dire jusqu’à 14 ans. »43 44 Olivier De Bruyn et Olivier Kohn, Le travail du deuil. Entretien avec Arnaud Desplechin », Positi ... 27 BĂątir un monde plein de significations. Peut-ĂȘtre trop plein. Desplechin avait dĂ©jĂ  reconnu cette propension dans un entretien Ă  propos de La Sentinelle C’est mon cĂŽtĂ© â€č tournedos Rossini â€ș on met de la viande, du foie gras, du lard, du foie gras »44. Cette comparaison triviale illustre assez bien sa pratique de l’intertextualitĂ©. Construire un monde fictionnel ne suffit pas, il faut que de ce monde naissent d’autres mondes, vastes et touffus. Alors quoi de mieux pour donner Ă  son film cette Ă©paisseur qui donne un peu le vertige que d’incorporer de la mythologie ? En se rĂ©fĂ©rant Ă  un mythe, on convoque tout un faisceau d’Ɠuvres disparates, on fait appel Ă  un imaginaire dĂ©multipliĂ©. Il faut ajouter que l’intertextualitĂ© n’est pas nĂ©cessairement une pratique tournĂ©e vers le spectateur. Elle peut correspondre Ă  une dĂ©marche personnelle de l’auteur, une technique d’écriture. Desplechin ne cache pas que le choix des prĂ©noms, entre autres, naĂźt souvent d’une interprĂ©tation qu’il ne veut pas forcĂ©ment transmettre au spectateur, mais qui l’aide Ă  avancer. Ce qui est transmis, c’est la conception d’un monde qui scintille ». Cette question pragmatique de la communication entre l’auteur intertextuel et le spectateur est toujours cruciale, puisque l’intertexte n’a de sens, d’un point de vue hermĂ©neutique, que lorsqu’il est reconnu. Souvent, Desplechin limite son marquage pour que l’intertexte soit repĂ©rĂ©, mais pas nĂ©cessairement identifiĂ© et compris par le spectateur. L’impression d’étrangetĂ©, d’ ailleurs », exercĂ©e sur le spectateur lui suffit. La posture du cinĂ©aste est donc bien diffĂ©rente dans Rois et Reine et dans LĂ©o, pour lequel il s’est attachĂ© Ă  rendre explicite la raison d’ĂȘtre de chaque recours Ă  l’intertextualitĂ© et Ă  placer le spectateur dans une position qui lui permette de tout voir et de tout comprendre. 45 Jacques Ascher et Jean-Pierre Jouet, La Greffe – entre biologie et psychanalyse, Paris, Presse univ ... 28 Tout comme LĂ©o, Rois et Reine se prĂ©sente donc comme un film rĂ©solument hybride et rĂ©fĂ©rentiel, mais aussi bigarrĂ© soit-il, l’homogĂ©nĂ©itĂ© de l’univers diĂ©gĂ©tique n’est jamais brisĂ©e et toutes les occurrences d’intertextualitĂ© ou de rĂ©flexivitĂ© sont intĂ©grĂ©es dans une logique narrative qui conserve son hĂ©gĂ©monie. Ce mouvement vers une plus grande fusion entre l’autre et soi se confirme avec Un conte de NoĂ«l. Pour ce film, Desplechin convoque Ă  nouveau une multitude d’intertextes, bien davantage encore que dans ses films prĂ©cĂ©dents. Ils sont de tous types philosophique Emerson, Nietzsche, Pascal, cinĂ©matographique Truffaut, Hitchcock, Bergman, Malick,
, dramaturgique Shakespeare encore, musical Mendelssohn, Charles Mingus et mĂȘme scientifique puisque l’écriture du film a Ă©tĂ© inspirĂ©e par La Greffe45 de Jacques Ascher et Jean-Pierre Jouet, un essai coĂ©crit par un psychanalyste et un mĂ©decin hĂ©matologiste. Cependant, malgrĂ© le nombre et l’hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ© des rĂ©fĂ©rences, le film est beaucoup moins Ă©clatĂ© que LĂ©o ou mĂȘme que Rois et Reine. Genette a utilisĂ© l’image du palimpseste pour reprĂ©senter un texte qui dissimule en son sein un ou plusieurs autres textes antĂ©rieurs. C’est Ă  l’origine un parchemin dont on a grattĂ© la surface manuscrite pour pouvoir Ă©crire un nouveau texte par-dessus. On parvient aujourd’hui, grĂące Ă  des techniques avancĂ©es, Ă  apercevoir en filigrane les textes qui avaient Ă©tĂ© effacĂ©s. Tout comme LĂ©o peut aisĂ©ment ĂȘtre assimilĂ© Ă  un film-mosaĂŻque », rassemblant des piĂšces ostensiblement composites pour former son unitĂ©, Un conte de NoĂ«l a tout du film-palimpseste » recelant de nombreux trĂ©sors cachĂ©s sous un vernis d’homogĂ©nĂ©itĂ©. Tandis que LĂ©o dĂ©shabille toute sa fabrication, Un conte de NoĂ«l absorbe ses rĂ©fĂ©rences pour les rendre souvent imperceptibles. Mais que ce soit par des chocs violents ou par de lĂ©gers effleurements, le croisement des textes orchestrĂ©s par Desplechin a toujours pour ambition de fabriquer du sens et de dĂ©passer les hiĂ©rarchies pour aboutir Ă  une rĂ©conciliation. Haut de page Notes 1 Edward Bond, La Compagnie des hommes, Paris, L’Arche, 1992 [In the Company of Men, 1988]. 2 Unplugged » signifie dĂ©branchĂ©. On dit d’un groupe de musique qu’il joue unplugged, lorsqu’il joue sans apport Ă©lectrique. Le terme est ici utilisĂ© en rĂ©fĂ©rence au fait que le film est rĂ©pĂ©tĂ© sans dĂ©cors, sans costumes et sans l’équipe de tournage. 3 LĂ©o, en jouant Dans la compagnie des hommes » 120 min et Unplugged 92 min. ComplĂ©ments de programme films prĂ©sentĂ©s par Arnaud Desplechin et Nicolas Saada. Edition double dvd, Arte VidĂ©o, France, 2004. 4 Trois ouvrages notables sont consacrĂ©s Ă  la dĂ©finition et Ă  l’histoire de ce concept dans le champ littĂ©raire dans l’ordre chronologique Nathalie PiĂ©gay-Gros, Introduction Ă  l’IntertextualitĂ©, Paris, Dunod, 1996 ; Tiphaine Samoyault, L’intertextualitĂ©. MĂ©moire de la littĂ©rature, Paris, Nathan, 2001 ; Sophie Rabau, L’IntertextualitĂ©, Paris, Flammarion, 2002. 5 Voir Ă  ce propos Arnaud Desplechin. La vraie vie ça ne peut pas ĂȘtre que ça ? », propos recueillis par Claire VassĂ©, Positif, no 476, octobre 2000, p. 9. 6 Arnaud Desplechin et Roger Bohbot, Rois & Reine, Paris, DenoĂ«l, 2005, p. 10. 7 GĂ©rard Genette, Palimpsestes, Paris, Seuil, 1982. 8 Sa propre traduction, puisqu’elle diffĂšre des versions françaises dĂ©jĂ  existantes. 9 La piĂšce n’est pas divisĂ©e en actes et en scĂšnes, mais en neuf unitĂ©s » units. 10 Dans la piĂšce, Bartley prĂ©sente d’emblĂ©e sa premiĂšre histoire comme un mensonge. Edward Bond, op. cit., p. 64. 11 Desplechin – Saada, une conversation », bonus de LĂ©o, double dvd Arte vidĂ©o. 12 Nous faisons rĂ©fĂ©rence ici Ă  la cĂ©lĂšbre distinction d’Alfred Hitchcock entre la surprise » et le suspense », qu’il exemplifie comme cela dans un premier cas, deux personnages discutent tranquillement dans un restaurant, et il y a soudainement une explosion, car une bombe Ă©tait sous la table. Dans un deuxiĂšme cas par contre, le public connaĂźt l’existence de la bombe placĂ©e sous la table, et [
] il sait que la bombe explosera Ă  une heure et il sait qu’il est une heure moins le quart [
] ». Hitchcock conclut que, dans la premiĂšre situation, le public a vĂ©cu 15 secondes de surprise, alors que dans la seconde, il a endurĂ© 15 minutes de suspense, et il [
] participe Ă  la scĂšne ». François Truffaut, Le CinĂ©ma selon Hitchcock, Paris, Seghers, 1975 [1966], p. 81. 13 Philippe Azoury, Desplechin, le plein de doutes », LibĂ©ration, 17 mai 2003. 14 Edward Bond, op. cit., p. 41. 15 Iago est un officier d’Othello dans la piĂšce du mĂȘme nom. 16 La musique de LĂ©o est d’ailleurs entiĂšrement anempathique » Michel Chion, Le Son au cinĂ©ma, Paris, Editions de l’Etoile, 1985. En effet, en utilisant les chansons pop-rock de Paul Weller, Desplechin ne cherche jamais Ă  marier la musique extradiĂ©gĂ©tique Ă  la situation Ă©motionnelle du rĂ©cit et crĂ©e plutĂŽt une impression de dĂ©calage ». 17 Jean Ricardou, Pour une thĂ©orie du Nouveau roman, Paris, Seuil, 1971, p. 162. 18 Lucien DĂ€llenbach, Intertexte et autotexte », PoĂ©tique, no 27, Paris, Seuil, 1976, p. 262. 19 Carole Guidicelli, LĂ©o et son double Arnaud Desplechin entre théùtre et cinĂ©ma », dans Pierre-Henry Frangne, Gilles MouĂ«llic et Christophe Viart Ă©d., Filmer l’acte de crĂ©ation, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2009, pp. 99-112. 20 Emmanuel Burdeau, Desplechin en son pouvoir », Cahiers du cinĂ©ma, no 587, fĂ©vrier 2004, pp. 24-28. Il faut tout de mĂȘme noter que Burdeau n’avait pas encore eu l’occasion de voir Unplugged. 21 Il l’explique dans Et en plus il y avait un sous-marin », propos recueillis par Emmanuel Burdeau et Jean-Michel Frodon, Cahiers du cinĂ©ma, no 587, fĂ©vrier 2004, p. 26. 22 Voir Ă  ce sujet Roger Odin, De la fiction, Bruxelles, De Boeck UniversitĂ©, 2000. 23 Carole Guidicelli, op. cit., p. 107. 24 MichĂšle Garneau, Effets de la théùtralitĂ© dans la modernitĂ© cinĂ©matographique », L’Annuaire théùtral, no 30, Ottawa, SQET/CRCCF, automne 2001, p. 30. Comme la date l’indique, cet article ne parle pas de LĂ©o. 25 Christian Metz, Histoire /discours. Note sur deux voyeurismes », dans Julia Kristeva, Jean-Claude Milner et Nicolas Ruwet Ă©d., Pour Emile Benveniste, Paris, Seuil, 1975, pp. 301-306. 26 Carole Guidicelli, op. cit., p. 108. 27 The time is out of joint », Hamlet, Acte I, scĂšne 5, traduit par Yves Bonnefoy. 28 OphĂ©lie / Polonius, LĂ©onard / Hammer, puis Ă  nouveau OphĂ©lie / Polonius et enfin deux fois LĂ©onard / Jurrieu. 29 Comme le dit Nicolas Saada dans les bonus de Unplugged. 30 TĂ©lĂ©rama, no 2820, 31 janvier 2004. 31 L’article est consultable le site 32 Emmanuel Burdeau et Jean-Michel Frodon, op. cit., p. 26. 33 Voir Ă  ce propos Patrice Pavis, Vers une thĂ©orie de la pratique théùtrale. Voix et images de la scĂšne, Presses Universitaires du Septentrion, 2007 [1982], pp. 64-93. 34 Jacqueline Nacache, L’Acteur de cinĂ©ma, Paris, Nathan, 2003, p. 17. 35 Id., p. 11. 36 Dominique Nasta, Du Kammerspiel Ă  â€č Dogma â€ș Ă©motion et distanciation dans la mise en scĂšne du jeu d’acteur », dans Vincent Amiel, Jacqueline Nacache, GeneviĂšve Sellier et Christian Viviani Ă©d., L’Acteur de cinĂ©ma approches plurielles, Rennes, Presse universitaire de Rennes, 2007, p. 33. 37 Ibid. 38 Antoine de Baecque et Thierry Jousse, Le Retour du cinĂ©ma, Paris, Hachette, 1996 p. 116. 39 Entretien avec Arnaud Desplechin. Bien sĂ»r qu’on est des rois, des reines, des princes », propos recueillis par StĂ©phane Goudet et Claire VassĂ©, Positif, no 526, dĂ©cembre 2004, pp. 23-27. 40 Id., p. 24. 41 Le narrateur dit Zeus aimait la belle LĂ©da, Ă©pouse du mortel Tyndare, neuviĂšme roi de Sparte. Il l’aborda sous la forme d’un cygne ». 42 Au mur du salon d’IsmaĂ«l est accrochĂ©e une affiche reprĂ©sentant Hercule se battant contre le taureau crĂ©tois, le septiĂšme de ses travaux. Plus tard, dans l’hĂŽpital psychiatrique, un calendrier publicitaire pour un psychotrope porte l’image d’une toile de François Lemoyne intitulĂ©e Hercule et Omphale 1724. La scĂšne reprĂ©sente Hercule qui, pour avoir commis un meurtre, doit servir Omphale comme un esclave. Il est habillĂ© en femme et file la laine pour sa maĂźtresse. La lĂ©gende porte sur le renversement des rĂŽles et des valeurs entre hommes et femmes. Deux autres reprĂ©sentations mythologiques que je n’ai pas rĂ©ussi Ă  identifier, mais qui sont probablement liĂ©es Ă  Hercule, sont glissĂ©es dans le film, d’abord sur la tasse de Me Mamanne, puis placardĂ©e par IsmaĂ«l au mur de sa chambre. Enfin, Hercule fait une derniĂšre apparition, toujours sur une affiche, dans le studio d’enregistrement. Le hĂ©ros est vĂȘtu d’une peau de bĂȘte et tue l’Hydre de Lerne, le deuxiĂšme de ses travaux. 43 StĂ©phane Goudet et Claire VassĂ©, op. cit., p. 26. 44 Olivier De Bruyn et Olivier Kohn, Le travail du deuil. Entretien avec Arnaud Desplechin », Positif, no 377, juin 1992, p. 16. 45 Jacques Ascher et Jean-Pierre Jouet, La Greffe – entre biologie et psychanalyse, Paris, Presse universitaires de France, de page Pour citer cet article RĂ©fĂ©rence papier Philippe Magnin, LĂ©o, en jouant Dans la compagnie des hommes » l’intertextualitĂ© au service d’une esthĂ©tique de la disparitĂ© », DĂ©cadrages, 28 2014, 22-44. RĂ©fĂ©rence Ă©lectronique Philippe Magnin, LĂ©o, en jouant Dans la compagnie des hommes » l’intertextualitĂ© au service d’une esthĂ©tique de la disparitĂ© », DĂ©cadrages [En ligne], 28 2014, mis en ligne le 11 janvier 2016, consultĂ© le 21 aoĂ»t 2022. URL ; DOI de page Droits d’auteur Tous droits rĂ©servĂ©sHaut de page Putain je transpire pire je suis en transe les transports bloquent ça klaxonne ça fait deux heures, que je n'avance qu'Ă  petit feux Peu Ă  peu je pĂšte les plombs le beauf de derriĂšre m'insulte et me traite de con Ç'en est trop je sors de ma caisse prend mon sac dans le coffre et me casse laisse ma caisse sur le pĂ©riph' rien Ă  foutre je trace, Trop de stress, j'ai faim il me faut un M***, J'en trouve un, rentre, il y a une queue de batard mais bon je la fais 30 minutes plus tard environ je demande trĂšs poliment " Bonjour un M*** s'il vous plait " quand elle me rĂ©pond " Trop tard dĂ©solĂ© monsieur il est midi et aprĂšs midi eh bien le M*** c'est fini " Je lui dit " Quand je vous ai demandĂ© il Ă©tait 11h59 faite un effort je veux un M*** salĂ© vous savez celui avec l'oeuf ". Elle me dit " il est midi je vous l'ai dit c'est fini, prenez un Big Mac oĂč allez voir ailleurs si j'y suis ". Je lui dit " appelez moi le patron ", " Le patron n'est pas lĂ  ", ajoute " allez chez le chinois, vous pourrez prendre un plat " Je lui dit " 2 secondes " sors de mon sac un calibre et la braque Les gens de derriĂšre qui Ă©taient si impatients maintenant s"Ă©cartent Elle me dit " Ok prenez la caisse moi je ne veux pas mourrir, il y a plein de billets plein de piĂšces ". Je lui dit " Un M*** ou je tire " 3 minutes aprĂšs ma bouffe est prĂȘte et je m'apprĂȘte Ă  partir quand la pute me dit " j'ai mis un Big Mac " Pan, Pan, Pan. Je voulais juste un Mac Morning. Je pĂšte les plombs Je pĂšte les plombs Je pĂšte les plombs Je pĂšte les plombs Je pĂšte les plombs Je pĂšte les plombs J'ai tout perdu, ma femme, mon gosse, mon job, Je n'ai plus rien Ă  perdre alors suce mon zob. Je pĂšte les plombs Je pĂšte les plombs Je pĂšte les plombs Je pĂšte les plombs Je pĂšte les plombs Je pĂšte les plombs J'ai tout perdu, ma femme, mon gosse, mon job, Je n'ai plus rien Ă  perdre alors suce mon zob. Alors que je suis recherchĂ© et que les keufs me traquent v'lĂ  qu'une meuf me drague, la blague me dit des trucs vagues " Tu sais que t'es un beau black non je t'assure sans dec', dĂšs que je t'ai vu j'ai oubliĂ© mon mec" Je lui dit " de qui tu te moques toi, tu veux que je te fuck, que je dĂ©pense plein de petites pĂ©pĂštes qu'une fois les couilles vides je porte le mĂȘme jeans, que tu te mettes au beurra toi et tes copines avec ma maillevous direz Tchin Tchin Salope va voir ailleurs parce que moi je t'ai grillĂ© mon ex-femme a fait pareil, " et alors ? " " alors tu tailles " Au moment oĂč je dis ça le mĂ©tro s'arrĂȘte et je m'apprĂȘte Ă  partir Quand elle a rĂ©pondu un truc qu'elle aurait pas dĂ» dire " Non mais pour qui tu te prends, c'est normal qu'e'lle t'est jetĂ© de toute façon, avec ta t^te de con tu devais tout lui acheter " Boum, Boum, Boum. Eh lĂ  je suis un beau black ? Je pĂšte les plombs Je pĂšte les plombs Je pĂšte les plombs Je pĂšte les plombs Je pĂšte les plombs Je pĂšte les plombs J'ai tout perdu, ma femme, mon gosse, mon job, Je n'ai plus rien Ă  perdre alors suce mon zob. Je pĂšte les plombs Je pĂšte les plombs Je pĂšte les plombs Je pĂšte les plombs Je pĂšte les plombs Je pĂšte les plombs J'ai tout perdu, ma femme, mon gosse, mon job, Je n'ai plus rien Ă  perdre alors suce mon zob. " Je veux ta veste, tes baskets, ta carte de retrait ton chĂ©quier et ton sandwich ". C'est ce que le gars m'a dit alors que je rentrais au quartier. Je leur dit " laissez moi j'ai passĂ© une sale journĂ©e " Ils me disent " rien Ă  foutre " s'xcitent et s'Ă©nervent tout seul me sort un mouss fait le ouf et d'aprĂšs lui m'impressionne " Je suis guedin dans ma tĂȘte " " C'est un fou dans sa tĂȘte " Je lui dit " Putain espĂšce de saltimbanque " ArrĂȘte ton bluff mec tu crois que tu craques une banque, range ton canif je sais pas va faire une manif, Va t'acheter un sous-tif espĂšce de petit travio chĂ©tif " Mais attends toi tu viens de quel quartier ? tu sais oĂč tu es ici, faut payer pour sortir entier Ecoute mec rien Ă  foutre que nos quartiers soit en guerre Je vais t'payer aprĂšs t'iras niquer ta mĂšre. Je sort de mon sac de hockey un harpon ils me disent " ah bon ", Moi je suis l'genre de mec qui pĂšte les plombs J'ai tout perdu, ma femme, mon gosse, mon job, Le gars se baisse je lui dit " mais vas-y casse toi " ArrivĂ©s Ă  cent mĂštres ces petits PD's me font des doigts. Je pĂšte les plombs Je pĂšte les plombs Je pĂšte les plombs Je pĂšte les plombs Je pĂšte les plombs Je pĂšte les plombs J'ai tout perdu, ma femme, mon gosse, mon job, Je n'ai plus rien Ă  perdre alors suce mon zob. Je pĂšte les plombs Je pĂšte les plombs Je pĂšte les plombs Je pĂšte les plombs Je pĂšte les plombs Je pĂšte les plombs J'ai tout perdu, ma femme, mon gosse, mon job, Je n'ai plus rien Ă  perdre alors suce mon zob. Paroles2Chansons dispose d’un accord de licence de paroles de chansons avec la SociĂ©tĂ© des Editeurs et Auteurs de Musique SEAM Paroles de la chanson Habanna par Fresh LaDouille Oh-oh-oh Ah bah ouais Bersa Oh-oh-oh-oh Oh-oh-oh-oh Oui frĂ©rot, tu sais qu'on est vrai, depuis l'dĂ©but du boulot, j'dois faire de la maille Si y a pĂ©pin, tu sais qu'on est prĂȘt, j'ai gardĂ© mon 9 chargĂ© autour de la taille Mon renoi, Ă  c'te heure-ci, j'suis dans la zone, y a mes couilles, bien au-dessus, y a mi corazĂłn Le jour oĂč t'es passĂ©, j'Ă©tais pas lĂ , depuis, j't'ai plus r'vu dans la zone EnfoirĂ©, Ă  part ça, j'prenais d'ses nouvelles, depuis tout c'temps, ça prend du niveau Y a plus d'pilon au quartier, faut qu'on l'renouvelle, si t'aimes pas celui-lĂ , ça peut t'ramener du nouveau Faut des lovĂ©s, ça bon-char par nĂ©cessitĂ©, lĂ  j'suis pas lĂ , tu crois qu'j'essaye de t'Ă©viter C'est que la mif' donc ça mange en p'tit comitĂ©, donc ça mange en p'tit comitĂ©, eh J'suis dans les affaires, c'est fini les colos, lui c'est qu'un rigolo, t'es sĂ©rieux ? On t'connaĂźt J'allais dĂ©tailler quand toi t'Ă©tais collĂ©, collĂ© au bitume, j'essaye de dĂ©coller La patience est coĂ»teuse CoĂ»teuse, j'Ă©coute du che-fraĂź dans l'Ă©couteur Écouteur Ça fait des chasses Ă  bord d'un scooter Scooter, y a pas d'horaires, ça pĂšte Ă  toute heure Toute heure J'visser un client abonnĂ©, il m'a dit qu'lĂ -bas, c'est Habanna Tu veux d'la se-con, j'peux t'en donner, sur l'ter'-ter', abonnĂ©, c'est chaud quand j'suis pas lĂ  J'visser un client abonnĂ©, il m'a dit qu'lĂ -bas, c'est Habanna Tu veux d'la se-con, j'peux t'en donner, sur l'ter'-ter', abonnĂ©, c'est chaud quand j'suis pas lĂ  C'est chaud quand j'suis pas lĂ , c'est chaud quand j'suis pas lĂ  D'l'autre cĂŽtĂ© Habanna, d'l'autre cĂŽtĂ© Habanna C'est chaud quand j'suis pas lĂ , c'est chaud quand j'suis pas lĂ  D'l'autre cĂŽtĂ© Habanna, d'l'autre cĂŽtĂ© Habanna J'essaye de pas ler-par, y a des affaires au prix fort si j'te connais pas J'Ă©tais prĂȘt, j'l'ai dis dĂšs l'premier pas, c'est la survie, ça s'passe pas comme dans Koh-Lanta Y a un soucis, j'suis lĂ  si tu veux qu'on en parle, j'suis tout seul, Ă  midi, tu m'trouves dans la tess Le bosseur est bien prĂȘt, j'suis prĂȘt pour la passe, j'veux du bĂ©nĂ©f', j'veux faire aucun trou dans la caisse Il faut qu'j'encaisse, y a des sous donc il faut mettre Ă  cĂŽtĂ©, t'inquiĂšte pas pour moi, j'suis du bon cĂŽtĂ© Quand c'est que j'voulais prendre du bon temps, j'en avais marre d'Ă©couter ces mythos papoter T'sais, j'ai toujours pas fait l'continent, c'est mĂ©chant, des reufs encore qui cantinent ImpliquĂ©, j'essaye de faire remplir la SIM, obligĂ© mĂȘme si des fois, j'me disais “Non” J'suis dans les affaires, c'est fini les colos, lui c'est qu'un rigolo, t'es sĂ©rieux ? On t'connaĂźt J'allais dĂ©tailler quand toi t'Ă©tais collĂ©, collĂ© au bitume, j'essaye de dĂ©coller La patience est coĂ»teuse CoĂ»teuse, j'Ă©coute du che-fraĂź dans l'Ă©couteur Écouteur Ça fait des chasses Ă  bord d'un scooter Scooter, y a pas d'horaires, ça pĂšte Ă  toute heure Toute heure J'visser un client abonnĂ©, il m'a dit qu'lĂ -bas, c'est Habanna Tu veux d'la se-con, j'peux t'en donner, sur l'ter'-ter', abonnĂ©, c'est chaud quand j'suis pas lĂ  J'visser un client abonnĂ©, il m'a dit qu'lĂ -bas, c'est Habanna Tu veux d'la se-con, j'peux t'en donner, sur l'ter'-ter', abonnĂ©, c'est chaud quand j'suis pas lĂ  C'est chaud quand j'suis pas lĂ , c'est chaud quand j'suis pas lĂ  D'l'autre cĂŽtĂ© Habanna, d'l'autre cĂŽtĂ© Habanna C'est chaud quand j'suis pas lĂ , c'est chaud quand j'suis pas lĂ  D'l'autre cĂŽtĂ© Habanna, d'l'autre cĂŽtĂ© Habanna

chanson pan pan pan je lui mettre une cartouche