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Ladivision entre rites donne naissance à de nombreux chefs-d'oeuvre de prestige. En 1848, pour fêter la république, plus de 10 000 compagnons et Mères, tous Devoirs confondus, oubliant leurs différences ce jour-là, défilèrent à Paris, place des Vosges devant un autel dédié aux trois fondateurs du compagnonnage. Chapitre IV le temps du doute. Agricol Perdiguier, dit
Entrois siècles, entre 1050 et 1350, près d’une centaine de cathédrales ont surgi de terre en France. Commanditaires et donneurs d’ordres, l’évêque et les chanoines tiennent les
Unevision originale. du Compagnonnage des Tailleurs de Pierre, qui perpétue les traditions des bâtisseurs, des coutumes et des devoirs répétés, interprétés et modifiés depuis la nuit des temps, à travers maints pays. La vocation première
SéminaireHistoire de la construction, Lundi 20 juin 2016. (PDF) Modèles, maquettes et chefs d'oeuvre. Séminaire Histoire de la construction, Lundi 20 juin 2016. | Arnaud TIMBERT -
Avis Sur Le Site De Rencontre Meetic. On a souvent dénigré le monde ouvrier. A voir toutes ces merveilles, ne peut-on dire que le siège de l'intelligence n'est pas seulement dans la tête mais aussi dans les mains. Ces chefs doeuvre ne prouventils pas qu'il faut en plus de l'intelligence, de la sensibilité, du sens de l'observation, de la patience en plus de la technique. Et que dire de la transmission du savoir. Les différentes générations d'alors ne connaissaient probablement pas la cassure qui existe actuellement ente elles. Moulage des mains du Compagnon Plâtrier du Devoir Amédée Puisais dit La Gaieté de Rochecorbon » 1893 -1972 Temple en pierre de taille Mi-roman, mi-gothique détail. Chef-d’œuvre du Compagnon Robert Noyers, Angevin la Persévérance de Mesnil » , Compagnon maçontailleur de pierre des Devoirs 1971 -1973. Marcel Constantin, Angoumois la Fidélité » , Compagnon charpentier, réalisé en 1943, alors qu’il était prisonnier de guerre en Allemagne, au Stalag Détail du grand chef-d’œuvre des Compagnons charrons du Devoir de Tours, réalisé en 1887 -1888 sous la direction de Philippe Leroux dit Tourangeau la Clef des Cœurs Prodigieux assemblage à courbes asymétrique exécuté par Porcheron le Chapiteau » sur les données de Dauphiné Sans Quartier » . Hôtel-Dieu de Beaune, fait de 20 kilos de pâtes à nouilles, par Georges Bouché dit Bourguignon le Disciple de la Sainte-Baume » , Compagnon Cuisinier Des Devoirs Unis, 1976. Avion de Blériot En tubes de cuivre. Chef-d’œuvre de réception de Manceau le Bon Coeur » , Compagnon Passant plombier du Devoir. 600 heures de travail. 2000 Chef-d’œuvre de réception de Blanchard Jeand-Marie dit Angoumois le Soutien du Devoir » . Compagnon Tonnelier – Doleur du Devoir. Reçu à Cognac pour la Saint-Jean d’été le 23 juin 1984. Reconstitution au 1/12 e du plus grand foudre du monde réalisé en 1890 -1900 par Fruhinsholz de Nancy. Automates fers à cheval Chef d’œuvre composé de fers à cheval et d’automates détail, réalisé en 1889 -1890 par le Compagnon maréchal-ferrant Perrot, Bourguignon le Vainqueur. Le château rose Chef-d’œuvre de Berrichon Dévoué » , compagnon pâtissier-confiseur des Devoirs Unis 1000 heures de travail. Pièce réalisée en 1973 pour l’exposition Le Compagnonnage vivant » , à Paris, Hôtel de Sully. Pagode Travail de Réception de Gérard Louet, Compagnon Confiseur des Devoirs Unis dit Berry le désir de bien faire » . Reçu à Tours le 3/10/81. Réalisée en pastillage 700 heures de travail. Poids 17 kgs Hauteur 1 m 15 Main supportant une sphère Chef-d’œuvre de réception de Provençal la Clef des Cœurs » , Compagnon chaudronnier du Devoir. 200 heures de travail. 1996. "Alphabet" des Compagnons Charpentiers. Les marques portées sur les éléments de charpente indiquent leur ordre et leur position dans l'ensemble. Pont convergent Chef-d’œuvre de réception de La Sérénité de Fréville » , Compagnon Passant tailleur de pierre du devoir. 1993. Sphère armillaire Chef d'œuvre de réception de Max Rapailles dit "Ile-de-France le Bien Zélé", Compagnon tourneur des Devoirs Unis 1992. Temple dédié aux Compagnons Boulangers et Pâtissiers du Devoir. Chef-d’œuvre en sucre pastillage de Laurent Bourcier dit Picard la Fidélité » , Compagnon Pâtissier du Devoir 1995. Charpente Musseau » Réalisé pour le 22ème concours des Meilleurs Ouvriers de France 2004, Tourangeau l’Ami du Trait » , Compagnon charpentier des Devoirs. Chef-d'œuvre du compagnon charpentier "Tourangeau l'Ami du Trait", 2004 détail. Chef-d'œuvre réalisé en 1825 par Agricol Perdiguier, dit " Avignonnais la Vertu ", Compagnon Menuisier du Devoir de Liberté. Bourgeois en dindon du Compagnon Forgeron Sylvain Villedieu Bois, XIXe siècle. Le roi Salomon Buste en chêne sculpté, chef -d’œuvre de Réception de Matthieu van der Hoeden dit Brabançon le Disciple des Arts » , Compagnon sculpteur des Devoirs Unis 1994. Dauphin bondissant et le détail de son épure Chef-d’œuvre de réception de Dauphiné le Cœur dévoué » , Compagnon menuisier du Devoir de Liberté. Assemblage de trois arêtiers et neuf panneaux en frêne cérusé bleu. 1994 Cannes de compagnons cordier, bourrelier et sabotier fin XIXe – début XXe siècles. Colonne du 14 juillet Réalisée pour le bicentenaire de la révolution française. Chef-d’œuvre en sucre, pastillage, Décors glace royale, fondants chocolat, café. Chef-d’œuvre de Parizot Marcel, dit Le berrichon dévoué » Compagnon Cuisinier Des Devoirs Unis. 800 heures de travail environ. Don de M. Parizot Marcel. Joueurs de trompette Confectionné en tôle de fer et laiton par Jean Bourreau dit Tourangeau Cœur Fidèle » , Compagnon maréchal-ferrant du Devoir vers 1985. Potence à clef, enseigne en fer forgé, Compagnon Méniot dit Alphonse le berry » vers 1900. Compagnon sur le départ du Tour de France avec sa malle à quatre nœuds fin du XIXè siècle Par Jean BOURREAU dit 'Tourangeau Cœur Fidèle". Compagnon Maréchal. Ferrant du Devoir. Escalier autour d’une bouteille pierre de taille. Chef-d’œuvre de réception réalisé en 1979 par G. Hugon dit Gascon la Persévérance d’Agen » , Compagnon Maçon–Tailleur de Pierre des Devoirs. Cygne en laiton Chef-d’œuvre de réception d’ "Ile de France la Constance". Compagnon chaudronnier du Devoir 1985. Locomotive en bois détouré du Compagnon Serrurier, Léopold Habert Début XXe siècle. Cette serrure à pièges et à secrets renferme un piège à menottes qui entre en action dès l'introduction de la clé dans la serrure Ces énormes sabots enchaînés ont été taillés dans la masse et sont unis par la pointe. Cheval de trait harnaché Chef-d’œuvre de réception 1928 de Maxime Saulquin dit Tourangeau la Fierté du Devoir » , Compagnon Sellier -Bourrelier du Devoir Monument emblématique de notre pays, cette reproduction de la Tour Eiffel est constituée d'ardoises découpées. Ce cordonnier -bottier a réalisé quatre chaussures dans une seule et même semelle. Ce tablier contient des fers doubles, roulettes, passe -fils et autres tenailles indispensables au métier du cordonnier. Chef-d’œuvre du Compagnon Habert, Dit Léopold le Tourangeau » . Grille de parc exécutée au dixième, entre 1878 et 1892. 2325 pièces de fer forgé et étiré au marteau. Pièce pleine d’astuces et de prouesses techniques, inégalée à ce jour CHANSON Bernard Le TOURANGEAU » MOURIR D'AIMER Charles AZNAVOUR
Publié le 13/04/2010 à 9h25 La mairie de Touvre accueille jusqu'au 7 juin une exposition des Compagnons du devoir. Anthony Bertin, prévôt du Centre de L'Isle-d'Espagnac a expliqué lors du vernissage de l'exposition vendredi 9 avril, les différents métiers exercés par les Compagnons devant plusieurs élus, Martine Pinville, députée, Jacques Persyn, conseiller général, Marie Marion, maire adjointe d'Angoulême, Jean-Claude Besse, maire de L'Isle-d'Espagnac. Cinquante-deux centresLe compagnonnage existe depuis la nuit des temps ; au Moyen-Âge, ses membres furent des bâtisseurs de villes et de cathédrales. Actuellement, cette association nationale loi 1901 comporte 84 structures dont 52 Centres de formation d'apprentis CFA. Les jeunes, garçons et filles, de 16 à 27 ans, sont en apprentissage pour devenir charpentiers, menuisiers, couvreurs, plombiers, tailleurs de pierre, métalliers, boulangers et pâtissiers. Ils travaillent en entreprises en contrat de professionnalisation et suivent dans les Centres des cours dispensés par leurs aînés devenus formateurs ou maîtres de stages afin de passer des diplômes nationaux en candidats parcours de six ansDans la salle du Conseil de la mairie de Touvre sont exposés des travaux et des maquettes réalisées par les jeunes, de véritables chefs-d'œuvre, notion de l'aboutissement d'un parcours initiatique. À l'intérieur de la communauté, les étapes se succèdent. Au début, on est apprenti appelé lapin » puis stagiaire aspirant et enfin communauté est un lien entre les différentes générations, les différents métiers, les différentes origines. Le Voyage » dure en moyenne six ans avec des séjours de quatre à sept mois dans chaque ville, une ville en hiver, une autre en été. Ce parcours permet au jeune d'accumuler des expériences professionnelles et autre façon d'enseignerAu moment de devenir Compagnon, la connaissance du métier se mesure dans la réalisation d'un travail de réception » appelé chef-d'œuvre ».Brigitte Baptiste, maire de Touvre a été séduite par la proposition de cette exposition émise par son adjoint, Laurent Avonde. Je trouve très intéressant de faire découvrir une autre façon d'enseigner, j'ai pensé que cela valait la peine de montrer cela aux jeunes, l'exposition sera visitée par des scolaires », confie- t-elle.
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1 L’on trouve des organisations de type compagnonnique dans d’autres pays européens, notamment en All ... 2 Concernant le déclin compagnonnique et la politique des regroupements dans la première moitié du xx... 1Les chefs-d’œuvre des compagnons du tour de France sont connus. Plus exactement, ils sont généralement la part connue d’une communauté que le profane » ou le civil » – termes que les compagnons emploient pour désigner ceux qui n’ont pas passé l’initiation compagnonnique – ignore largement quant à d’autres aspects. L’on méconnaît par exemple que le compagnonnage, en France1, ce sont aujourd’hui environ 10 000 compagnons avec quelque 250 à 300 nouveaux reçus chaque année répartis en plusieurs groupes aux périmètres relativement variables. Depuis les années 1950, trois groupements occupent l’essentiel du paysage compagnonnique français, mettant définitivement un terme à la logique corporative chaque corps de métier avait alors son compagnonnage, à savoir ses règlements propres, ses rites, son Devoir », son réseau qui a présidé sans partage jusqu’à la fin du xixe siècle, laissant désormais la place au principe des ralliements », des fédérations », des alliances », parfois des fusions ». L’Union compagnonnique des Devoirs unis, fondée en 1889, est le témoin encore vivant de cette époque. Elle réunit quelque 1 000 compagnons pour une centaine de métiers, ayant élargi aussi loin que possible la définition d’un métier compagnonnique on y trouve des prothésistes dentaires et se chargeant d’intégrer, parfois par le biais d’un seul représentant, les métiers d’art orfèvres, potiers d’étain, etc. ou ceux en voie de disparition bourrelier. À ses côtés, l’Association ouvrière des compagnons du Devoir du tour de France, fondée en 1941 à l’initiative des quelques compagnons des vieux Devoirs » désireux de relancer l’activité compagnonnique alors en déclin et largement folklorisée2, réunit aujourd’hui la majorité des compagnons un peu plus de 5 500 pour vingt-cinq métiers au sein d’un réseau de maisons » qui couvre parfaitement le territoire métropolitain. Enfin, la Fédération compagnonnique des métiers du bâtiment et autres activités, avec ses 3 500 compagnons pour dix métiers, complète le tableau. Créée en 1952 par des compagnons qui ne se reconnaissaient pas dans la nouvelle Association ouvrière qui avait – bien que dans une moindre mesure par rapport à l’Union compagnonnique – ouvert la voie à un certain effacement des spécificités corporatives, la Fédération maintient le principe d’une certaine indépendance des corps de métiers, qui conservent leurs usages et rites compagnonniques spécifiques, ainsi que des sites régionaux. La coutume à Marseille n’est pas exactement celle de Bordeaux, de Paris ou de Tours. 3 Le texte a été déniché, édité et commenté par Daniel Roche Ménétra 1998 [1982]. 2Aussi, en arrière-plan de la tendance aux regroupements, demeurent ancrées dans les esprits et vécues quotidiennement dans l’exercice de la profession l’autonomie et la spécificité de chaque corps de métier. Cela crée un climat de tension relative où, quel que soit le format d’association adopté, la possibilité d’un détachement ou d’une scission plane et devient parfois réalité. Dès lors, le paysage actuel présente une plus grande complexité que l’allure généralement affichée. De l’Association ouvrière s’est détaché en 2000 un groupe de tailleurs de pierre, l’Association des compagnons tailleurs de pierre, dite l’Alternative », qui possède sa propre organisation, son tour de France, ses coutumes. En 2008, c’est la Société des compagnons selliers, tapissiers, maroquiniers, cordonniers-bottiers des compagnons du Devoir du tour de France qui quitte l’Association ouvrière pour rester fidèle à son idéal compagnonnique », comme l’explique son président. Enfin, en 2011, quelques compagnons des métiers de bouche de l’Association ouvrière reprennent leur indépendance pour former, le jour de la Saint-Honoré, la Fédération des compagnons boulangers-pâtissiers restés fidèles au Devoir, qui réunit quelque cent cinquante membres. De même, la Fédération compagnonnique a vu en 2005 un certain nombre de ses charpentiers, couvreurs et plombiers quitter son giron pour former la Cayenne Itinérante » ; et elle a accueilli récemment la Société des compagnons peintres-vitriers du Devoir, un ancien compagnonnage pour lequel nous possédons notamment l’une des toutes premières autobiographies compagnonniques, celle de Jacques-Louis Ménétra3 1738-1812. 3Cette nébuleuse compagnonnique n’est composée que pour partie, et en minorité, de compagnons. La plupart des individus rencontrés dans les sièges », chambres » ou cayennes » sont seulement des prétendants au titre. Il s’agit de jeunes apprentis en formation initiale qui intègrent un centre de formation d’apprentis CFA compagnonnique pour préparer au mieux les épreuves du certificat d’aptitude professionnelle CAP et du brevet d’études professionnelles BEP, et dont quelques-uns seulement poursuivront leur route avec les compagnons. Ils partiront ainsi sur le tour de France en tant qu’ aspirant », affilié » ou jeune homme », selon les corps de métiers, pour devenir compagnon » après quelques années. Les chiffres font défaut mais l’on peut dire que, pour une vingtaine d’entrées en tant qu’apprenti, une seule donne lieu à un parcours complet, l’achèvement du tour de France et l’acquisition du statut de compagnon. 4Malgré le morcellement institutionnel du paysage compagnonnique, la disparité des statuts et la pluralité des usages, il existe des points de jonction et des lieux où les discours et les représentations, sinon les pratiques, s’unifient relativement. L’un de ces lieux est la réalisation par les compagnons, à différents moments de leur existence, de chefs-d’œuvre remplissant différentes fonctions. Dans un texte inaugural, essentiellement descriptif, prélude à une étude systématique des chefs-d’œuvre compagnonniques qui reste à faire, Roger Lecotté 1980 dressait une typologie fonctionnelle de ces ouvrages. Aux côtés du chef-d’œuvre de réception » qui fait accéder à l’état de compagnon et dont il sera plus précisément discuté ici, il identifiait des chefs-d’œuvre de reconnaissance qui incluent le précédent en quelque sorte, de prestige, de commémoration, de compétition, d’amitié, de retraité, servant d’enseigne fig. 2, et ceux, plus inclassables en quelque sorte, à savoir les chefs-d’œuvre pour passer le temps, chefs-d’œuvre violons d’Ingres » fig. 1. Affinée parfois Icher 2007 262-263, cette typologie mérite d’être discutée. Si elle détaille avec soin les différentes fonctions des chefs-d’œuvre compagnonniques, elle ne nous renseigne ni sur ce que ceux-ci signifient ni comment ils signifient. Or il apparaît que le dit essentiel du chef-d’œuvre compagnonnique est l’attachement. Il traduit et accompagne l’établissement des liens sociaux, économiques, affectifs, intellectuels qui traversent le compagnonnage, que ceux-ci soient hiérarchiques, amicaux ou même hostiles. Se faire la guerre pour la possession d’un marché du travail par chefs-d’œuvre de compétition » interposés comme aux xviiie et xixe siècles, c’est encore établir un lien. Or l’objet n’y suffit pas en lui-même. Il faut pouvoir y lire l’attachement par les manières et les techniques qui l’ont rendu possible, par le temps qu’il a nécessité, par le degré d’implication de l’ouvrier. fig. 1 Chef-d’œuvre de délassement ou violon d’Ingres » du compagnon forgeron Sylvain Villedieu, 1830-1912, pot à tabac, porte-cigare et allumettes, xixe siècle. Tours, musée du Compagnonnage. © Photo Richard Nourry. fig. 2 Treize scènes de compagnonnage entourant saint Éloi en évêque entouré de deux chiens, 1878, enseigne de maréchal-ferrant en forme de fer à cheval. Marseille, musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée MuCEM. © RMN-Grand Palais MuCEM. 4 Sur les rapports entre compagnonnage et patrimoine culturel immatériel, je me permets de renvoyer à ... 5Et les compagnons ne laissent guère d’incertitude sur ce point. Quand il s’est agi, à partir de 2008, de réfléchir à la possibilité d’une candidature collective des groupements compagnonniques pour une inscription sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité, il a fallu proposer la lecture d’un monde commun tenu par un ressort qui procurerait à tous les compagnons un sentiment d’identité et de continuité », pour reprendre les termes de l’Unesco4. Leur sont alors apparus relever fondamentalement de cette catégorie le goût et les manières proprement compagnonniques de transmettre les savoirs. Non le tour de France en général mais ce qui, pendant cette période de formation, se passe dans les ateliers ; non la mise en avant des chefs-d’œuvre, mais celle de l’ensemble des processus qui en conditionnent l’élaboration. 5 Inutile de s’appliquer à signaler la liste des textes qui font le sacrifice » du lexique. L’on pe ... 6Et ce n’est pas seulement la logique de patrimoine immatériel qui a rendu nécessaire la mise en avant des processus, des gestes, des représentations, en lieu et place des objets et des monuments. En réalité, les compagnons éprouvent une certaine méfiance à l’encontre de la qualification profane d’une pièce comme chef-d’œuvre ». Y compris un connaisseur aussi avisé que Lecotté qui, sans doute pour satisfaire aux exigences d’une œuvre de vulgarisation Lecotté 1980, trahit quelque peu la réalité des usages linguistiques des compagnons5. Ces derniers tendent en effet à réserver le terme chef-d’œuvre » aux réalisations collectives ou à but collectif, tels ces grands ouvrages destinés à servir d’emblème au corps de métier d’une ville particulière et que l’on retrouve si fréquemment chez les couvreurs et les charpentiers ; fig. 7. Pour les autres travaux, plus individuels, les compagnons préfèrent parler de travail de réception » pour devenir compagnon ou de maquette », et il n’existe aucun terme correspondant précisément à ces travaux personnels effectués pour le plaisir de l’accomplissement d’un geste ou par amitié. Dans l’ordre des productions individuelles, les chefs-d’œuvre sont ailleurs. Ils désignent notamment ces pièces réalisées pour les concours organisés par la Société des meilleurs ouvriers de France MOF auxquels des compagnons participent régulièrement mais qui sont à dissocier du parcours compagnonnique. S’il est permis dans ce cas de parler de chefs-d’œuvre, c’est que, du point de vue compagnonnique, la dimension collective se manifeste au travers du geste individuel. Un compagnon qui se présente au concours MOF le fait, certes, en son nom propre mais il a aussi la charge explicite de défendre et de réaffirmer la valeur de la formation compagnonnique fig. 3. fig. 3 Chef-d’œuvre réalisé par un compagnon du Devoir, mai 1956. © Roger-Viollet. fig. 4 Jean-Paul Chapelle, La Tradition de l’épure. Ici, le travail d’un charpentier de Devoir de Liberté réalisé en 1888 représentant un comble. © Fédération compagnonnique des métiers du bâtiment. fig. 5 Page d’un cahier de chansons compagnonniques d’un compagnon charpentier, 1893. Marseille, musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée MuCEM. © RMN-Grand Palais MuCEM/Hervé Jézequel. fig. 6 Champ de conduite de Labrie l’Île d’amour, dit le Désiré, compagnon charpentier partant de Bordeaux pour aller à Paris en finissant son tour de France pour rentrer chez lui en 1826. Marseille, musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée MuCEM. © RMN-Grand Palais MuCEM/Gérard Blot. fig. 7 Chef-d’œuvre emblématique de la confrérie Compagnons charpentiers du Devoir de Liberté, Paris, restaurant Les Charpentiers, vers 1900. © Albert Harlingue/Roger-Viollet. 7Cependant, l’objet lui-même, exposé dans des musées ou dans les sièges compagnonniques, est saisi par un regard qui le qualifie, vraisemblablement imprégné des critères de l’objet d’art occidental la manifestation d’un savoir-faire non partagé par une majorité, la mise en retrait de toute dimension fonctionnelle et, éventuellement, un moment ou un lieu une exposition, un musée qui institue l’art. Les compagnons n’échappent que difficilement à l’emprise de l’impératif C’est de l’art ! ». Aussi ne satisfont-ils pas toujours avec une extrême rigueur aux règles lexicales qu’ils rappellent à l’ethnologue qui les interroge sur ce point chef-d’œuvre », pour simplifier, mais aussi parce que le vocabulaire fait défaut dans plusieurs cas de figure les ouvrages d’amitié et de commémoration notamment. 8Cependant, le sacrifice linguistique ne présuppose pas nécessairement celui de la pensée. C’est d’ailleurs ce qui crée le malaise, que j’avais d’abord interprété comme de la méfiance tant les compagnons me reprenaient quand j’employais le mot à mauvais escient alors même qu’ils s’accordaient à eux-mêmes une plus grande liberté. C’est que, sans doute, ils savaient de quoi ils parlaient, en dépit du lexique, alors que l’illusion terminologique devait avoir pour moi, ignorant du réel, l’allure de la réalité. Les compagnons pensaient, à juste titre, que je prenais le chef-d’œuvre » au pied de la lettre. Tout m’avait en effet porté à croire que nous étions dans le registre de l’œuvre d’art dont les objets compagnonniques, et notamment ces travaux réalisés pour l’acquisition du statut de compagnon, présentaient de nombreuses caractéristiques. De celles-ci, imprécisément formulées d’ailleurs, se dégageait nettement le critère de singularité. Tout travail de réception », toute maquette » est unique. D’ailleurs, il me fut facile de comprendre par la suite que, si la surveillance lexicale des compagnons sur mon discours s’était atténuée, cela ne signifiait ni un relâchement de l’attention ni un renoncement à m’instruire, mais bien l’admission au sein d’un cercle proche d’individus qui tout en n’étant plus des profanes ne peuvent pas pour autant prétendre à une initiation. Cette catégorie de personnes, présente à l’esprit de tous les compagnons quel que soit leur groupement, n’a d’existence linguistique que pour quelques-uns, comme les compagnons charpentiers du Devoir qui qualifient ceux qui en relèvent de renards éclairés ». 6 Cas superbe ici, et qu’il faudrait explorer en détail, d’un lieu réunissant l’ensemble des critères ... 9En renard éclairé, je saisissais confusément que le malaise des compagnons venait de l’idée d’art, du jugement étroitement esthétique porté sur le chef-d’œuvre qui tend à en faire l’objet inutile par excellence, réalisé dans le confort d’un temps de loisir. Il n’en est rien, et tout particulièrement pour le chef-d’œuvre de réception dont il sera ici question. Mais si les compagnons se méfient du jugement esthétique profane et refusent catégoriquement d’être qualifiés d’artistes6 l’étiquette étant accusée d’effacer le travail », ils n’en arrivent pas cependant à mettre entre parenthèses la dimension esthétique dans la réalisation du travail de réception. Celle-ci est au contraire le centre d’attentions particulières, appliquées toutefois aux gestes à la situation, au contexte, etc. plutôt qu’à l’objet réalisé. La langue, une fois encore, est révélatrice. Exécuter le chef-d’œuvre chez les compagnons se dit tailler la réception ». Disparu l’objet, restent l’enjeu initiatique surplombant et, surtout, l’ensemble des actions tailler » est confus cela va du traçage à la coupe et à l’assemblage qui le conditionnent. Tailler la réception » désigne à la fois un programme technique, une réflexion sur soi et un mode de vie que les compagnons évaluent ensemble aux différents moments de l’opération. La critique », ou l’exercice de la faculté de se juger 7 Des cas italiens dans Cerutti 2010 585. 10Il est un moment privilégié pour déterminer les critères du jugement esthétique chez les compagnons c’est celui où, une fois l’ouvrage achevé, on attend l’heure de l’initiation suspendue à la critique », c’est-à-dire à l’examen de l’œuvre du prétendant par plusieurs compagnons qui en soulignent les qualités et les défauts. Ce moment varie fortement d’un groupement à l’autre, voire d’un corps de métier à l’autre. Selon les usages, il peut tendre au dialogue bienveillant, prélude à l’accueil d’un nouveau pair, comme souvent à l’Union compagnonnique. Mais dans la mesure où le système de l’Union ne pratique pas la formation initiale au métier et n’accueille donc que des ouvriers déjà formés et souvent même expérimentés, il est vrai que se présentent à la critique des ouvriers d’un certain âge qui inscrivent cette réalisation dans un parcours parfaitement intellectuel et non strictement professionnel. À l’inverse, à l’Association et à la Fédération, le moment de la critique est généralement l’occasion d’une mise à l’épreuve du candidat auquel on ne pardonne aucune de ses insuffisances. La divergence n’est pas récente. On la trouve dans la description des examens professionnels qui se généralisent en Europe au xviiie siècle et auxquels étaient soumis ceux qui souhaitaient accéder à la maîtrise dans le système corporatif d’Ancien Régime Berg, Hudson et Sonenscher 1983. À cette époque déjà, le critère d’âge en transformait l’allure, les ouvriers expérimentés acceptant de mauvaise grâce et réclamant souvent des dérogations l’exigence de produire un chef-d’œuvre et préférant se présenter à un examen simplifié ne portant que sur des connaissances plus théoriques7. 11La ressemblance de ce moment critique » avec la soutenance de thèse dans le monde scientifique n’échappe en rien aux compagnons, qui filent tant la métaphore qu’elle devient le signe d’une connivence spécifique. Tout porte à croire en effet, bien que l’on manque d’indications explicites, qu’au moment où la pratique d’un travail de réception » se réorganise et se systématise dans le compagnonnage seulement dans le courant du xxe siècle, l’on se serait inspiré du seul grand rite scolaire qui semblait alors équivalent. Sans doute, la présence significative d’intellectuels de formation dans les rangs des groupements compagnonniques des années 1920 aux années 1940 période d’étiage du vivier compagnonnique autorise cette porosité des mondes. Celle-ci donne à la critique » d’aujourd’hui un caractère qu’elle n’avait probablement pas lors des anciens examens corporatifs et qui en fait le moment d’une évaluation plus générale et condensée de l’ensemble des qualités et des défauts de l’aspirant, tant sur le plan technique qu’intellectuel et moral. Le cas des compagnons charpentiers fournira ici le matériau ethnographique nécessaire à l’analyse. Quand je taillais la réception, je ne savais plus où j’habitais. C’était la folie ! On bossait jusqu’à pas d’heure, et on embauchait le lendemain au radar. Le truc, c’est qu’au boulot le singe [le patron] il s’en moquait pas mal que tu tailles pour les compagnons il fallait que tu sois d’attaque. Et les compagnons, tu savais qu’ils t’attendaient à la fin et qu’ils ne te louperaient pas. Angoumois l’Ami des Filles 12Les compagnons qui attendent voilà les traits que prend la critique » pour l’aspirant qui est sur le tour de France et projette de devenir à son tour compagnon. Cette attente n’est pas seulement supposée ou fantasmée. En effet, si le jeune itinérant se décide à tailler la réception, c’est généralement que des compagnons l’invitent à franchir le pas parce qu’ils le jugent capables » et, comme le disait déjà le vitrier Ménétra dans son journal, parce qu’il faut faire une fin » Ménétra 1998 [1982] 202. Ce moment survient de façon variable d’un individu à l’autre, même s’il est encadré par des usages propres à chaque métier. Chez les charpentiers, l’on ne peut être capable » avant trois ou quatre années passées sur le tour de France. Et ne pas avoir répondu à cet appel après six années d’itinérance rend l’itinérant suspect veut-il vraiment s’engager plus avant dans la société compagnonnique ? La capacité », dans le lexique compagnonnique – utilisée à la fois pour qualifier un potentiel technique, une performance chantée en public ou la conduite d’une cérémonie –, n’est pas une propriété que l’on acquiert une fois pour toutes. Il appartient à chacun de mettre à profit cette qualification provisoire, nécessaire à la réalisation de tâches spécifiques comme tailler la réception, mener un défilé compagnonnique, chanter ou parler en public, etc. Puisque les compagnons m’en ont jugé capable » telle est la formule habituelle qui introduit ces exécutions techniques, rituelles et coutumières. 13On est souvent désigné capable officieusement, au détour d’une discussion informelle. C’est arrivé comme ça. Je venais de débarquer à Anglet. C’était ma quatrième ville sur le tour. Et un jour, un compagnon avec qui j’avais bien accroché me dit Faudrait peut-être que tu penses à tailler la réception. » Dans ces cas-là, tu ne dis pas que tu ne te sens pas, que tu n’es pas prêt. Je crois que j’ai dit Tu crois ? » ou un truc dans le genre. Il m’a dit oui, oui », et c’était réglé. Sauf que je savais ce que ça voulait dire. Je les avais vus, les copains qui taillaient la réception ; et les compagnons qui étaient sur leur dos toute l’année. Sur le coup, tu es fier parce qu’on te dit que tu es capable, et en même temps je n’étais pas sûr de l’être. Beauceron la Sincérité 14Il faut alors officialiser ce nouvel état pour lequel il n’est pas de qualificatif spécifique l’itinérant taille la réception », voilà ce qui le désigne, et rendre concrète et publique l’attente des compagnons à son égard. L’itinérant sait qu’il doit pour cela écrire, à la main précise-t-on, une lettre dans laquelle il aura à détailler les raisons qui l’amènent à souhaiter être reçu » par les compagnons. C’est déjà tailler la réception que de décrire ses intentions et procéder à ce retour sur soi. Or, là n’est pas la partie du processus à laquelle les itinérants se plaisent à consacrer leur temps. On remet toujours la lettre à plus tard, ce qui ne manque pas d’ailleurs d’impatienter les compagnons qui expriment alors plus clairement une attente générale Tu as fait ta lettre ? Tu as fait ta lettre ? Ça revenait en permanence. Je n’arrivais déjà pas à m’en sortir avec ma maquette, alors la lettre… Des fois, on en rigolait entre itinérants. On en réveillait un au milieu de la nuit et on gueulait “ Tu as fait ta lettre ? ” » Beauceron la Sincérité Mais à l’approche du printemps, quand le travail doit être achevé avant la Saint-Joseph, le 19 mars, fêtée par les compagnons charpentiers, il n’est plus possible de reculer. La critique » est programmée. 8 Cette proximité entre le travail du rêve » et le travail de l’art » a été soulignée par le crit ... 15Des compagnons qui attendent donc. Qu’attendent-ils exactement ? Le chef-d’œuvre, certes, mais pas seulement. Il faut l’accompagner d’un environnement, à la fois sensible et intellectuel, dans lequel il prend son sens. C’est cet environnement qui est attendu et demande à être explicité alors qu’il est ordinairement sous-entendu. Il y a dans le chef-d’œuvre compagnonnique, et peut-être est-ce aussi ce qui le rapproche de l’œuvre d’art, un travail de condensation, au sens freudien du terme, qui le charge de significations multiples, l’épaissit d’interprétations, le surdétermine dans des registres très divers8. Au moment de la critique, il faut déplier l’œuvre et l’œuvrier. La lettre, remise quelque temps auparavant, dévoile ainsi les intentions, le sens de l’entreprise, et situe l’objet dans un parcours biographique. À ce sens général, qui est presque une direction, s’ajoute l’explicitation d’un sens plus particulier. Il est en effet demandé à l’itinérant de présenter son travail, de le soutenir, d’évoquer les traditions techniques par rapport auxquelles il se situe, de faire état, en somme, de la culture qu’il recèle. C’est, outre les difficultés techniques que seul un regard averti peut mesurer, ce qui distingue généralement le travail de réception des maquettes effectuées les années précédentes sur le tour de France. L’ouvrage est ainsi l’occasion d’attester sa connaissance des légendes et de l’histoire compagnonniques, son attachement à la ville dans laquelle on est sur le point de devenir compagnon ou sa maîtrise des traditions du métier par la connaissance des grandes œuvres qui en ont fait l’histoire, des symboles qui le représentent, etc.. Tels sont les grands registres de la culture manifestés dans le travail de réception le métier, l’histoire et les traditions locales, le compagnonnage. Plus rarement, le futur reçu y exprime une sensibilité personnelle, son attachement à un loisir, un sport, une pratique fig. 7. Mais, au-delà du sujet retenu et du référent, l’important est que l’ouvrage signifie et qu’il trouve une raison d’être culturelle. Aussi, quand il arrive, comme souvent d’ailleurs chez les charpentiers, que le travail de réception ne s’affiche pas explicitement comme porteur de culture les maquettes des charpentiers sont moins figuratives », à la fois pour des raisons techniques et coutumières, que celles des pâtissiers ou des tailleurs de pierre, le registre technique est alors surinvesti. C’est par exemple le cas de la maquette de réception d’un charpentier bordelais, réalisée en 2001 et exposée dans le petit musée qui jouxte le siège de la Fédération compagnonnique à Bordeaux. Elle n’affiche aucun trait de culture » lisible par un profane et n’a pas nécessité un nombre d’heures de travail exceptionnel 280 est-il précisé, quand la réalisation d’un travail de réception en charpente en requiert fréquemment 400 ou 500. Aussi le cartel de présentation qui accompagne la pièce doit-il la rendre plus légitime La complexité de l’ouvrage réside dans la particularité du tracé pièces de bois à devers et de forme triangulaire. » Aucune autre maquette du musée ne comporte ce type de mention révélant le référent, le trait de culture » la complexité » dans le cas présent. 9 Il s’agit, schématiquement, de la vue en plan de l’ouvrage à réaliser, vue au moyen de laquelle son ... 10 Sur le trait des charpentiers et l’ensemble de cette culture technique, on pourra se reporter aux t ... 16L’on rejoint ici un autre aspect, une autre attente des compagnons au moment de la critique la manifestation de la maîtrise d’une certaine culture technique. Il s’agit là de déplier le chef-d’œuvre au sens propre du terme. Dans certains cas, et notamment en menuiserie et en charpente, il pouvait être demandé au candidat de désassembler puis de réassembler son ouvrage sous les yeux des compagnons. Par ailleurs, on exige toujours de l’itinérant qu’il présente l’épure de son œuvre, c’est-à-dire le travail préparatoire de géométrie descriptive que les compagnons appellent trait9 » que l’on retrouve en charpente, en menuiserie ou, sous des formes différentes, en taille de pierre, repassé à l’encre de Chine et qui subit, au même titre que l’ouvrage, l’examen sévère du jury compagnonnique10 fig. 4. C’est à la lecture de l’épure, parfaitement imperméable au profane, que se dévoilent des choix théoriques, des options techniques qui disent l’attachement à une tradition de métier plutôt qu’à une autre. Ainsi, en charpente, il existe différents types de trait la typologie elle-même faisant l’objet de débats, et opter pour le trait par rembarrement » plutôt que pour la sauterelle » ou affirmer l’antériorité et la supériorité de l’épure au niveau de devers » seront autant d’indications soumises à la critique. 11 On aura reconnu ici la combinaison qui fait l’artiste pour Claude Lévi-Strauss 1962 37. 17La critique dégage les points d’articulation entre ces éléments attendus la lettre, l’ouvrage et son étude préparatoire, ainsi qu’un discours qui expose la culture véhiculée par l’objet ; elle est l’occasion de conférer une cohérence à l’ensemble. La juxtaposition inédite d’un discours oral sur la culture compagnonnique, l’histoire locale ou les traditions techniques, d’un texte écrit retraçant une histoire personnelle et un projet de vie, et de l’observation de l’œuvre achevée et de l’épure qui en est la projection idéale fait de la critique une occasion idéale de s’exercer à mettre en relation ces éléments. C’est à la couture de l’hétérogène qu’invite cette épreuve, anticipant sur la découverte de nouveaux rapports sociaux, culturels, symboliques dont il faudra faire preuve au moment de l’initiation. Les compagnons font prendre conscience du lien étroit qui s’établit entre le bricoleur » que l’ouvrage représente et qui porte toujours la trace du rattrapage astucieux nécessité par les aléas d’un matériau inhabituellement résistant, d’un nœud imprévu ou d’une fatigue passagère et le savant » qu’incarne tout ce qui a la charge de porter la culture » le sujet de l’œuvre, l’épure au trait11. Mais il y a plus. S’établissent également à ce moment-là les liens entre les actes de sa vie passée, la situation présente, ses avant-gestes les choix et les opérations techniques manifestés dans l’œuvre, et la geste à venir que la lettre annonce et que l’initiation doit confirmer. Je ne sais pas trop si je peux te raconter tous les détails… Évidemment, je peux te dire qu’on te fait remarquer, soit sur l’épure soit sur la maquette, tout ce qui ne va pas. Tu sais d’avance que c’est ce qui va se passer mais c’est plus fort que toi, tu te mets à douter de tes capacités et tout… Surtout qu’on te ressort tout ce qui s’est passé pendant l’année, à l’atelier quand tu taillais ou le reste du temps. Et que si tel jour tu n’étais pas sorti, ton chevron il serait mieux tombé. Tu vois le genre. Dauphiné la Constance 18L’examen du travail de réception est l’occasion d’un passage en revue de la vie de l’itinérant. Non seulement, donc, de son année passée à tailler la réception, mais également de sa personnalité générale que les compagnons décryptent ou disent lire dans l’observation minutieuse de l’objet soumis et de l’épure. S’opère là un travail d’unification de l’œuvre et de la vie que l’initiation viendra achever, c’est-à-dire fonder en nature par l’attribution d’un nouveau nom. Mais au moment de la critique, la conjonction a d’abord lieu dans le registre de l’esthétique des formes, et notamment dans celle du geste technique. Les compagnons ne remontent pas en effet sans transition de l’œuvre à l’esprit de son auteur. Ils construisent un discours qui, de proche en proche, irrésistiblement, mène de la pièce à l’artisan en passant par des révélations progressives, dont la principale est celle du geste technique et de sa qualité. Celui-ci constitue le point de passage essentiel à plusieurs titres. D’une part, il articule l’œuvre à la pensée selon une logique que l’itinérant accepte et qui l’emporte, tant il lui paraît clair que la détermination précise de sa gestuelle est lisible dans la confrontation de la pièce et de l’épure rendue parfaitement explicite par les opérations de désassemblage et de réassemblage qui peuvent être exigées et que, du geste technique dès lors retrouvé, il est possible d’inférer les intentions, les projets, les façons de penser le métier. D’autre part, ce passage est renforcé par le discours sur l’unité esthétique des formes de l’œuvre et de la vie. Dans la critique, les compagnons tâchent de démontrer au jeune candidat que sa vie ressemble à ses œuvres, à sa lettre, à son épure. On lui inculque, ou plutôt on lui déclare, la cohérence des styles techniques, littéraires, mentaux, moraux, culturels qui textualisent » les résultats ce sont eux qui font que la pièce est un travail de réception », que l’épure est faite dans les règles », que la lettre révèle les qualités d’un futur compagnon ». Tailler et passer la réception 19Cette unité esthétique de la vie compagnonnique, déclarée au moment de la critique, est préparée en amont durant les années de tour de France, mais plus particulièrement durant l’année qui voit le jeune tailler sa réception. Puis elle est renforcée en aval par le rite d’initiation qui ancre définitivement cette conception dans l’esprit des récipiendaires. 20Déclaré capable, le jeune itinérant sait que les mois qui suivent vont être difficiles. Pour les charpentiers, ce sont ceux qui s’écoulent entre l’automne, où la capacité est déclarée, et le printemps, où elle doit être attestée par la remise du chef-d’œuvre pour la Saint-Joseph. Quand tailler » dans cet intervalle ? L’aspirant doit en effet concilier la semaine de travail ordinaire chez un employeur et les exigences habituelles du tour de France qui imposent des cours du soir de 20 à 22 heures du lundi au vendredi et des cours pratiques le samedi. 12 Jour » espace qui sépare deux pièces de bois à l’endroit de leur assemblage. Un assemblage idéa ... Ben, tu travailles la nuit et le dimanche, quoi ! Alors, c’est vrai, au début, tu n’es pas complètement à fond. Tu vas faire un peu la fête ou tu vas te coucher ; le dimanche, tu dors. En gros, jusqu’à Noël. Puis là, on te met la pression. Y a la lettre. Et puis on te dit que tu es en retard Quoi ? Tu n’as pas fini ton épure ? Tu n’as pas commencé à tailler ? Je te le dis, mon gars c’est foutu. » Alors, évidemment, tu mets un grand coup. Tu bosses jusqu’à la Saint-Jo jusqu’à 3 heures du mat’ tous les jours et le dimanche. Même les gars qui ont démarré plus tôt ou qui pensaient avoir géré… J’avais un copain qui taillait l’an dernier. Le gars hyper-sérieux. Il s’était fait un planning et tout ! Un soir, c’était un mois avant la Saint-Jo, un compagnon passe le voir à l’atelier. Il taillait. Et il lui fait Ça va pas. – Comment ça, ça va pas ? – Là, t’as du jour12 ; là, c’est pas droit. – Si, c’est droit ! – Je te dis que non. » Et là, le bonhomme, il lui met un petit coup sur sa maquette et lui fait bouger tout le chevronnage ! Mon pote, il est à deux doigts de lui mettre sur la gueule. Nous, on est là et on le retient. Le compagnon s’en va Tu es en retard » qu’il lui fait en partant ! Alors, c’est pas tout le temps comme ça. T’as des compagnons qui viennent te voir, qui te filent un conseil ou qui te donnent un truc. Mais y en a d’autres qui te mettent franchement des bâtons dans les roues. Angoumois l’Ami des Filles 21Derrière la brimade ordinaire qui annonce déjà l’étape de l’initiation à la Saint-Joseph, il est un autre enjeu, d’ordre esthétique. En effet, autant qu’une affaire individuelle, tailler la réception est par certains côtés une opé-ration collective. Non qu’elle soit réalisée à plusieurs, chaque ouvrage devant être intégralement, de sa conception à sa fabrication, fait par l’itinérant de manière autonome, ou qu’elle se fasse rigoureusement en public. On peut travailler quand les autres ne sont pas là, profiter d’un moment de solitude pour repasser son épure ou vernir la maquette. Mais il est un rythme général à respecter, auquel ceux qui taillent » se plient ou sont pliés l’augmentation continue du temps passé à tailler la réception et les journées sans fin qui caractérisent le mois de février et les premiers jours de mars. Contrairement aux maquettes qui mettent en avant les différences, l’intensité croissante du rythme quotidien de travail unifie véritablement ceux qui taillent et les distingue des autres itinérants. Et les compagnons veillent au respect de la singularité et de l’uniformité de cette cadence, tolérant les disparités individuelles à condition que le tempo idéal de l’année de réception soit conservé. À la fin, tout le monde doit être en retard ; il est impensable en effet d’arriver à la Saint-Joseph en coulant des jours sereins, terminant paisiblement, et dans les délais, son ouvrage. C’est d’ailleurs cette accélération imposée qui accentue, paradoxalement, l’importance accordée à l’esthétique du geste technique dans la réalisation de ce travail. Dans la précipitation, l’accomplissement du bon geste » nécessite en effet une attention et un effort supplémentaires dont les compagnons, par leur présence dans les ateliers, tiennent à s’assurer. On assiste ici à une manifestation esthétique d’un certain type, que je qualifierai de romantique. L’effet recherché est produit par le doux rayonnement d’un geste maîtrisé au milieu de l’affolement des sens et des événements. Mais quels seront dans ces conditions les critères du bon geste » ? Ils sont de deux ordres, intellectuel et sensible. 13 Par trouver les coupes », il faut comprendre le fait de déterminer l’angle et la manière de taill ... 22Intellectuel, d’abord. Le bon geste est donc celui dont l’éclat ressort particulièrement quand, à sa place, on pourrait avoir un geste précipité. Il est le geste guidé par un savoir pesé ; et pour le chef-d’œuvre, par un savoir traditionnel. Chez les compagnons charpentiers, tout l’enjeu de la réalisation des ouvrages est de trouver les coupes13 qui, si elles sont bien déterminées, permettront l’assemblage idéal qui ne laisse aucun jour ». Or plusieurs méthodes existent pour obtenir les bonnes coupes » sans que toutes relèvent des bons gestes » le perchage, la trigonométrie et le trait. Le perchage », ou la coupe à la perche », est la manière sauvage de trouver une coupe. L’on superpose les deux pièces que l’on cherche à assembler et l’on trace sur l’une d’elles la section à opérer, ou bien l’on aligne les pièces dont on veut obtenir la même allure un chevronnage par exemple, et on les passe ensemble à la scie et au rabot. Entièrement empirique, c’est la méthode la plus dénigrée par les compagnons, et la plus sévèrement condamnée pour la réalisation des maquettes car elle est sans savoir. Or c’est celle par laquelle on est tenté quand le rythme s’accélère. Une année, j’étais tellement à la bourre pour ma maquette que j’ai posé mes chevrons un peu au pif et là, personne dans l’atelier, paf, je t’ai mis un coup de rabot sur l’ensemble et c’était impec ! Bon, je taillais pas la réception. Parce que, quand t’as l’œil, ça se voit quand même c’est le même sens de coupe, et tout. Là, je me suis pas fait prendre parce qu’on te regarde pas la maquette de base comme on te regarde la maquette de réception. Picard la Franchise 23Mais c’est une méthode qui a ses limites, ne s’appliquant guère qu’aux coupes droites dont un travail de réception ne peut se contenter. À l’opposé du perchage, la trigonométrie permet, par le calcul abstrait pour celui qui le maîtrise, d’obtenir les angles et les sections, y compris courbes. Moins dévalorisée que la précédente, peut-être parce qu’elle est moins communément sollicitée, en particulier dans l’urgence, elle n’en constitue pas moins une méthode condamnable car, quoique avec savoir, elle est sans geste en quelque sorte. Il faut en effet la combinaison d’un geste épaissi d’une connaissance dont la maîtrise est attestée par la produ-ction du dessin théorique, l’épure, qui montre le savoir du trait permettant, à l’aide de notions géométriques de base, de déterminer par le compas et l’équerre toutes les coupes possibles. C’est cette science ou cet art, les compagnons sont hésitants sur le qualificatif que le travail de réception doit manifester, dont la dimension esthétique n’échappe à personne quand, dans le chaos d’un retard généralisé, l’itinérant prolonge sur son épure posée sur la table à dessin l’étude au compas qui lui fait espérer que lors de la critique la traque des jours sera sans résultat. Ce n’est jamais le cas. 14 L’association de la musique et du travail est un thème classique de l’anthropologie. Pour une persp ... 15 Pour une approche des fonctions de ces chansons de compagnons, je me permets de renvoyer à Adell 20 ... 24Le geste ralenti et maîtrisé par l’application du trait, y compris dans les derniers moments, confère au travail de réception cette dimension supplémentaire, esthétique, qui a la vertu de signifier que le référent est ailleurs que dans la recherche de l’efficacité technique ou dans la seule réalisation de l’objet. Il est aussi et d’abord question de maîtrise de soi. Une maîtrise de soi, parallèle et connectée à la dimension intellectuelle, qui est offerte à la lecture des autres itinérants et des compagnons présents dans l’atelier de manière parfaitement sensible. Un geste maîtrisé se voit, mais surtout il s’entend. C’est un geste musiqué » qui, face au tempo accéléré et de plus en plus chaotique de l’élaboration générale de l’œuvre, assure le maintien d’un équilibre et d’une régularité14. Non que les aspirants, dans l’atelier, s’appliquent à travailler collectivement au même rythme, et encore moins à chanter pour cadencer le travail – bien qu’il existe une forte tradition du chant compagnonnique, plutôt d’ailleurs comme chant de cérémonie que comme chant de travail15. Mais un soin tout personnel est apporté à l’exercice rythmé du travail dont la présence sonore occasionnelle d’un novice dans l’atelier est un contre-exemple éloquent. Chacun étant à l’ouvrage, être apprenti s’entend en effet avant de se voir. La fréquence exagérée et dysharmonique des coups de marteau, l’insistance un peu trop marquée d’un engin électrique, la durée d’une coupe, etc. tout bruit d’atelier devient un véritable son à l’oreille du professionnel à même d’interpréter selon le rythme avec lequel il est reproduit mais également, et plus finement, selon sa hauteur,son timbre, son intensité à la fois la nature du travail et la qualité du travailleur. Ce n’est pas un hasard si l’origine de la musique était située par les anciens dans les ateliers, notamment les forges, les notes se dégageant de la percussion des outils mêmes Heller-Roazen 2010. Et si l’idéal mythique d’une harmonie sonore générale de l’atelier n’est jamais atteint, reste aujourd’hui l’importance d’une gestuelle musiquée du métier par un individu dont l’empreinte sonore annonce le savoir et permet, dans l’intensité bruyante de la situation de travail, de discerner le scintillement audible d’une mesure, tout comme l’usage du trait dans l’urgence de l’œuvre laissait deviner une maîtrise intellectuelle. 16 Une description et une analyse détaillées de ce rituel dans Adell 2008 162-188. 25Ces éclats de gestes techniques esthétisés par la situation dans laquelle ils sont réalisés ont un écho, par-delà la critique qui les coud ensemble et les met en relation avec l’ensemble des dimensions de la personne, dans le rituel d’initiation auquel l’exécution du chef-d’œuvre donne accès. Ce rite, la réception », concentre la fonction de la critique et les effets recherchés dans les dernières semaines passées en atelier à tailler sa maquette. À la différence de ces moments ethnographiables ou racontables, la réception est chargée d’un secret qui en garantit, selon les compagnons, l’efficacité. Cet aspect emporte sans doute la conviction de tous puisque les trahisons du secret de la réception sont rares dans l’histoire du compagnonnage, se concentrant pour l’essentiel dans la seconde moitié du xixe siècle. Aussi le dernier état d’un rituel de réception rendu public dont nous disposons date des années 1890. Il concerne justement les charpentiers et est le fait d’un certain Jean Connay faut-il préciser qu’il s’agit d’un pseudonyme ?. Mais cette trahison pose en elle-même des problèmes d’accès à la réalité du rituel. Connay 1909 veut se venger des sévices subis durant l’initiation et ruiner le compagnonnage » avec l’aide des nouveaux syndicats qui voient dans la formule compagnonnique une sorte de concurrence obsolète. Signe encore de la conviction que révéler le secret de l’initiation menaçait directement l’ensemble de l’institution. L’on ne saurait cependant décider ce qui, dans la révélation extrêmement détaillée du charpentier, relève de l’invention ou du vécu16. C’est l’ancien temps », disent aujourd’hui les compagnons charpentiers ; ça, c’est les charpentiers », disent ceux des autres corps de métiers. Toujours est-il que, dans les années 1980, les charpentiers brûlaient encore cérémoniellement les exemplaires de Connay quand ceux-ci tombaient entre leurs mains. Indice qu’il y a une certaine vérité du récit du traître qu’un recoupement avec d’autres récits de réception, venant de corps de métiers différents, confirme. 26Cela offre l’occasion de présenter un canevas du rituel à un niveau de généralité suffisant pour que le profane s’en fasse une représentation mais sans que, dans le même temps, le jeune aspirant charpentier, lecteur éventuel de ces lignes, perde le bénéfice de l’expérience à venir. 27Connay décrit un rituel de neuf jours et neuf nuits. Il est très probable que déjà à son époque la tendance fût au raccourcissement. Trois jours étaient devenus un standard. Aujourd’hui, le temps d’une nuit est vraisem-blablement suffisant. Le récipiendaire est introduit dans une pièce du siège compagnonnique qu’il a d’ailleurs pu fréquenter en d’autres occasions fêtes qui rythment les départs et les arrivées sur le tour de France, fêtes patronales, réunions de société ou de corps de métier, etc., mais qui va prendre à ce moment une autre allure. Un décor est installé tandis que des détails déjà là la présence ordinairement inaperçue d’un symbole sur un mur, au sol ou au plafond seront mobilisés dans le cadre du rituel, qui consiste en premier lieu à rejouer le voyage le tour de France et ses difficultés alors physiquement éprouvées le jeune homme est chahuté, bousculé, etc.. Vient alors le moment de manifester son attachement à la communauté, ce qui peut prendre plusieurs formes la prestation d’un serment ou le dépouillement entier de l’individu on aura pu lui demander de venir avec ce qu’il a de plus précieux et lui imposer de tout donner à la société ou de tout détruire. Souvent, cette épreuve a la valeur d’un test pour défendre le compagnonnage, serait-on prêt à renier père et mère, à blesser quelqu’un ou pire encore ? Les formules sont rhétoriques et l’on n’attend rien d’autre que des non » ; mais les compagnons sont de bons acteurs et savent insinuer le doute. Dans le même temps, le récipiendaire, dont on a saturé les sens par différents moyens heurté, privé de la vue puis ébloui, muré dans le silence d’où jaillit un grand bruit et vice versa, etc., se sent clairement assujetti à l’ordre créé par le rythme régulier et la symétrie du jeu réglé des questions et des réponses auquel il se livre avec le maître de la cérémonie. Enfin, une fois la valeur morale du néophyte vérifiée et la qualité de ses réponses estimée, on lui révèle le sens caché de certains mots, objets ou symboles. Et on lui fait voir le Devoir », le livre où sont consignées les règles qui président à l’organisation de la vie communautaire, depuis les façons de vivre ensemble jusqu’au déroulement des initiations. Par ces révélations successives, le monde prend un sens supplémentaire pour s’ordonner mieux et à nouveau. 17 On théâtralise l’imposition du nouveau nom durant le rituel quand, semble-t-il, celui-ci fait l’obj ... 28Le rite propose également l’achèvement de l’unification de la personne commencée lors de la critique. L’homme de métier et sa compétence, le compagnon neuf et son attachement à la communauté, l’individu et ses centres d’intérêt personnels, ses qualités et ses défauts se rejoignent dans le nouveau nom attribué à l’issue de la cérémonie17 Vendéen le Soutien du Devoir, Limousin la Franchise, Dauphiné la Persévérance, Parisien l’Ami des Arts soulignent un trait et annoncent, pour soi et pour les autres, le programme et le spectacle d’une conduite, basse continue de l’ensemble des registres d’existence de la personne. Aussi, sur le plan éthique, la ligne qu’impose le nom compagnonnique remplit la même fonction que le geste technique exécuté de manière esthétique s’offrir à la reproduction non seulement du fait de la désignation sociale – le jeune apprend le bon geste » ainsi qualifié dans l’atelier comme il apprend la constance auprès du compagnon la Constance ou la fermeté auprès de la Fermeté –, mais également en raison des vertus propres de l’imitabilité que contiennent un acte rythmé, symétrique, ou un comportement prédictible mon nom, c’est moi au milieu de l’embrouillamini ordinaire des événements de la vie sociale. Raisons esthétiques de l’éthique à la technique 29Une question reste en suspens. Il n’y avait pas de raison a priori à ce que les compagnons reconduisent l’usage de l’examen professionnel et la pratique du chef-d’œuvre tels qu’on les trouvait dans le système corporatif d’Ancien Régime et contre la rigidité duquel ils s’étaient élevés. Le compagnonnage était alors le moyen de faire sa jeunesse dans le monde artisanal. Y retrouver l’un des leviers de l’ordre hiérarchique, le chef-d’œuvre qui donnait accès à la maîtrise, peut sembler incongru. D’ailleurs, cet usage n’était guère de mise chez les compagnons jusqu’au xixe siècle, moment où, à des rythmes divers selon les corps de métiers, un chef-d’œuvre commença d’être exigé pour accéder au titre de compagnon. Mais la véritable systématisation de cette pratique n’intervient qu’au xxe siècle. Comment expliquer cette invention, ou plus exactement ce réemploi ? 18 La référence incontournable sur cette notion dans le monde ouvrier reste Edward P. Thompson 1988 [ ... 30D’une part, l’effondrement du système corporatif, associé aux transformations considérables du monde ouvrier entre la fin du xviiie siècle et la première moitié du xixe siècle, avait éloigné assez rapidement du paysage mental des compagnons le référent total que représentait la corporation d’Ancien Régime. L’on pouvait, dans les années 1830, parler à nouveau de chef-d’œuvre » sans être suspecté de se rallier aux pratiques inégalitaires que cela impliquait un demi-siècle plus tôt. Mieux, à mesure que les transformations du travail se radicalisaient, le chef-d’œuvre pouvait signifier de façon plus univoque à la fois le passé, l’authenticité et l’ancienneté sans en référer à la pesanteur du système social qui régnait à ces époques imprécises. D’autre part, et cela est parfaitement corrélé, cette même période connaît une profonde mutation de l’ économie morale » des compagnons18. Institution de passage pour faire la jeunesse », le compagnonnage devient en effet une institution à rites de passage pour encadrer la totalité de la vie artisanale. Un encadrement qui se distinguait par la mise en œuvre d’un système de valeurs neuf la chevalerie du travail, l’honneur de l’ouvrier, le Devoir, etc. que les individus incarnaient par des arts de vivre dont l’apprentissage se faisait durant les années de tour de France, au sein de la vie en communauté et lors des rites initiatiques. 31Mais ces exigences morales ou comportementales la vie commune, le principe hiérarchique, le passage par une initiation, etc. pouvaient paraître exorbitantes. Les convertir en des exigences techniques en renouant avec la pratique du chef-d’œuvre pouvait les rendre acceptables et, surtout, sensibles reliées, la fabrication de l’ouvrage et la construction de soi allaient de pair. La critique le rappelle aujourd’hui. Mais la nouvelle systématisation du chef-d’œuvre a aussi permis de rendre plus concret un rythme propre à la vie compagnonnique. Il s’agit de ce rythme de vie spécifique du moment de sa réalisation, quand on taille », mais plus généralement de celui d’une vie sur le tour de France scandée par les œuvres réalisées, des petits travaux exigés chaque année jusqu’au travail de réception. 32Edward Tylor 1896 182-228 appelait arts of life l’ensemble des techniques et de la culture matérielle d’une société en tant qu’elles permettent le maintien et la reproduction de la vie concrète. L’expression est superbe et il faudrait l’étendre à l’ensemble des formes immatérielles aux gestes, aux modèles, aux styles, aux valeurs qui assurent la même reproduction aux plans cognitif et affectif et qui, en compagnonnage, sont matérialisées par l’ouvrage fait pour la réception. 33Sur ces plans résident véritablement, par-delà les maquettes et leur complexité technique, les chefs-d’œuvre inconnus des compagnons qui sont un répertoire de gestes, de formes et de styles de vie cousus dans la trame de l’œuvre et de sa réalisation. Le profane et le jeune itinérant n’y voient généralement qu’un mur de techniques » comme, dans la nouvelle de Balzac, Poussin ne se heurtait d’abord qu’à un mur de couleurs » dans le tableau du maître Frenhofer. Mais, au futur compagnon, apparaît à certains moments la beauté d’un geste réglé ou le détail parfait d’un programme de vie le nom, le pied extraordinaire » que Poussin a remarqué dans l’œuvre du maître.
Dignes héritiers des bâtisseurs de cathédrales et dépositaires d'un savoir-faire ancestral, les tailleurs de pierre sont de véritables artistes qui savent insuffler un souffle de vie à un simple bloc rocheux. Découvrez ce métier en détail. Qu’est-ce qu’un tailleur de pierre ? Métier datant de l’antiquité qui pourrait paraître totalement désuet de prime abord, le tailleur de pierre reste pourtant une profession ouverte aux dernières évolutions technologiques tout en étant respectueuse des traditions. L’Institut national des métiers d’art INMA estime à 15 000 le nombre de personnes ayant une activité dans le domaine de la taille de la pierre. S’adressant aussi bien aux hommes qu’aux femmes, le tailleur ou la tailleuse de pierre sont de véritables artistes du bâtiment qui savent faire d’un simple bloc de pierre un élément indispensable dans une architecture. Construction proprement dite encadrement de portes et fenêtres, balcons, escaliers…, décoration d’intérieur et d’extérieur corniches, cheminées…, mobilier d’extérieur, ou activité funéraire, son champ d’intervention est vaste que la construction soit neuve ou ancienne. Le tailleur de pierre travaille sur de la matière première naturelle tel que du granit ou du marbre mais également à partir de matériaux composés comme le stuc ou le plâtre. Pour sculpter la pièce, il débute par la création des épures des dessins en taille réelle qu’il reporte le plus précisément possible sur le matériaux à tailler. Une fois la sculpture réalisée, il a en charge de la déplacer et de la positionner. Le professionnel utilise aussi bien les outils traditionnels de la taille de pierre et de la marbrerie, que des outils mécaniques, électroniques et à commandes numériques. Missions du tailleur de pierre Connaître les différents types de pierre et leurs caractéristiques pour choisir le bon matériaux Sélectionner le ou les blocs à sculpter Réaliser les croquis les épures Débiter les blocs à la taille souhaitée Analyser les plans de l'architecte du chantier Façonner la pierre pour lui donner la forme souhaitée Transporter les blocs taillés Poser les blocs et effectuer les raccords Qualités pour devenir tailleur de pierre Bonnes conditions physiques Le métier de tailleur de pierre demande une bonne condition physique. En effet, il faut pouvoir déplacer des matériaux très lourds mais également supporter le travail dehors, par tous les temps et le bruit. Travaillant dans la poussière, il est fortement déconseillé aux personnes asthmatiques. Patience et Rigueur Façonner un bloc de marbre ou de granit demande du temps et requiert une grande rigueur car la précision est importante pour éviter de devoir la refaire. De plus, il faut en permanence respecter les règles de sécurité. Bonnes connaissances en histoire Le tailleur de pierre peut intervenir sur des monuments vieux de plusieurs siècles. Il est important qu’il connaisse les règles d’architecture afin de pouvoir reproduire les modèles. Perdue dans votre vie professionnelle En moins de 2 min., découvrez comment donner un second souffle à votre carrière Faites le test Formation pour devenir tailleur de pierre Formation initiale Les formations de tailleurs de pierre sont accessibles dès la troisième avec un CAP tailleur de pierre ou un CAP marbrier du bâtiment et de la décoration, qui se prépare en 2 ans. Pour compléter ce CAP, il est possible de faire une MC mention complémentaire graveur sur pierre ou MC restauration du patrimoine. Il est également possible de passer un bac professionnel artisanat et métiers d'art option arts de la pierre ou un Bac Pro intervention sur le patrimoine bâti en 2 ans après le CAP, ou en 3 ans après la 3ème. Le brevet professionnel BP tailleur de pierre des monuments historiques ou le BP métiers de la pierre niveau bac sont également accessibles. L’accès se fait aussi au niveau Bac+2, après avoir validé un diplôme de niveau IV bac et deux années d'expérience à temps plein ou temps partiel ou avoir validé une expérience d'au moins 5 ans dans un emploi en rapport avec la finalité du diplôme, à savoir un BTMS brevet technique de métier supérieur tailleur de pierre. Enfin, au niveau Bac+3, on trouve la Licence Professionnelle des métiers de la pierre, les Compagnons du Devoirs / CNAM. L'ensemble de ces formations peut faire l'objet d'un apprentissage ou d'une alternance en contrat de professionnalisation. Formation continue Afin de favoriser l’évolution professionnelle des personnes en activité dans ce secteur, les professionnels peuvent se former pour préparer le brevet technique des métiers sup Pour ceux qui souhaitent se réorienter vers le métier de tailleur de pierre, le titre professionnel TP tailleur de pierre, le CAP tailleur de pierre ou le CAP marbrier du bâtiment et de la décoration sont accessibles via la formation continue. Salaire d’un tailleur de pierre Un tailleur de pierre débutant est en général embauché au SMIC mais avec l’expérience et des qualifications, il pourra gagner jusqu'à 2 100 euros brut par mois. Les revenus sont plus hétérogènes lorsqu'il est indépendant. Un chef d’entreprise peut gagner jusqu’à 4 500 €. Où travailler en tant que tailleur de pierre ? Le professionnel des métiers de la pierre travaille principalement en atelier mais il doit se déplacer sur les chantiers pour effectuer des relevés et installer ses ouvrages. Les tailleurs de pierre sont recrutés en priorité par des entreprises du bâtiment ou des travaux publics mais il peut aussi être recruté au sein d'entreprises spécialisées dans la restauration de monuments historiques, ou chez un marbrier funéraire. Évolutions du métier de tailleur de pierre Le secteur de la taille de pierre étant constamment en recherche de main-d'oeuvre qualifiée, les tailleurs de pierre débutants n'ont pas de difficulté à trouver un emploi rapidement que ce soit dans une entreprise ou dans un programme de restaurations des Monuments Historiques. Après quelques années d’expérience, le tailleur de pierre peut accéder à des fonctions de chef d'équipe, contremaître, chef de chantier ou conducteur de travaux. L'autre solution est de devenir tailleur de pierre indépendant. Situation du métier de tailleur de pierre Bien que la taille de la pierre entre directement en concurrence avec les réalisations en béton ou en acier, le secteur continue de recruter des tailleurs de pierre qualifiés, notamment pour des travaux de restauration ou de la création de mobilier de décoration. Ces métiers manuels étant peu valorisés, ils attirent peu les nouveaux candidats. Si bien que dès leur entrée sur le marché du travail, les tailleurs de pierre trouvent rapidement un recruteur. Travailler à l’étranger ou y exporter sa production peut également être une bonne solution à envisager car certains pays n'ont presque plus de tailleurs de pierre.
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